Je participe activement aux recherches françaises concernant l’orthorexie et continue à essayer de mieux comprendre l’orthorexie.
Qu’est-ce que l’orthorexie ?
L’orthorexie est définie comme l’obsession de manger sainement. Cette obsession mène à des conséquences négatives sur la santé. Elle a été définie dans les années 2000 par le psychiatre S. Bratman aux Etats-Unis. Depuis, la recherche travaille pour mieux comprendre l’orthorexie, qui devient de plus en plus fréquente chez les patients.
Il existe également des tests traduits en français. Il s’agit de l’ORTO-15 , maintenant ORTO-R et de l’EFO-12. A ce jour, ces tests demeurent peu utilisés et nous n’avons pas encore assez de recul sur ces derniers.
A ce jour, il paraît pertinent de se baser sur des critères qualitatifs. Plusieurs auteurs en ont proposé (Barthels; Moroze & Dunn) et leur critères sont assez proches. La proposition la plus récente et la plus suivie est celle de Bratman & Dunn en 2016.
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Critère A :
obsession concernant l’alimentation saine, définie par des théories ou des croyances nutritionnelles dont les détails peuvent varier. Cette obsession est marquée par des troubles émotionnels démesurés lors de choix alimentaires perçus comme « malsains ». La perte de poids peut être le résultat des choix alimentaires, mais n’est pas l’objectif principal. Ce critère est repérable par les éléments suivants :
comportement compulsif et/ou préoccupation à propos de pratiques alimentaires restrictives ou visant à développer un état de santé optimal ;
la violation des règles alimentaires imposées cause une angoisse exagérée de maladie, une sensation d’impureté et/ou une sensation physique négative, accompagnée d’angoisse et de honte ;
les restrictions alimentaires s’intensifient au cours du temps et peuvent amener à l’exclusion d’un groupe alimentaire entier et impliquer de fréquentes et graves pratiques « de nettoyage » visant à purifier ou détoxifier l’organisme. Cette intensification mène généralement à une perte de poids, mais le désir de perdre du poids est absent ou caché
Critère B
le comportement compulsif et les préoccupations mentales ont des conséquences négatives :
malnutrition, importante perte de poids ou toutes autres complications médicales dues aux restrictions alimentaires ;
émotions démesurées ou diminution des relations sociales, professionnelles ou des autres domaines de vie, générés par les croyances ou les comportements liés à l’alimentation « saine » ;
image corporelle, estime de soi, identité et/ou de satisfaction personnelle influencée excessivement par le respect du comportement alimentaire « sain » défini par le sujet.
Comment s’en sortir ?
L’orthorexie peut se soigner. Il est nécessaire de consulter comme pour un autre trouble alimentaire un diététicien et un psychologue. Travailler à la fois sur le comportement alimentaire ainsi que sur les mécanismes psychologiques et la souffrance permet de sortir de l’orthorexie.
La rencontre avec un psychologue a permis aux patients que j’ai rencontrés et qui ont participé à mes recherches de se sentir mieux. Si vous êtes en difficulté avec votre alimentation, n’hésitez pas à me contacter ou a prendre rendez-vous pour que nous puissions trouver des solutions.
Y a-t-il un traitement contre l’orthorexie ?
Aujourd’hui, une psychothérapie adaptée aux TCA ou aux troubles obsessionnels est le traitement le plus adapté à l’orthorexie. Il s’agit de travailler sur l’angoisse, le besoin de contrôle, la crainte de la maladie et de la mort ou encore l’estime de soi. Le plus important est de comprendre comment l’orthorexie s’est installée dans votre vie. La consultation permettra d’y mettre un sens et de permettre de la dépasser.
Que nous apprennent les patients ?
Derrière il y a l’idée que si je mange sain avec des antioxydants, avec toutes les qualités nutritives et tout ça, ça correspond à mon critère psychologique de perfection. En contrôlant la nourriture, je contrôlais ma vie.
Paul – 20 ans à propos de l’orthorexie
Tout me faisait peur. L’alimentation en tant que telle maintenant je la vois comme dangereuse, c’est comme une phobie alimentaire, tout ce que j’ingère j’ai l’impression que c’est dangereux. Le poids ce n’est pas mon objectif, le poids n’a rien changé dans ma vie.
En dehors de ces conséquences physiologiques, c’est finalement toute la vie du patient qui tourne autour de l’alimentation. L’alimentation prend toute la place et crée de très fortes angoisses et culpabilités. Toute leur vie peut devenir conditionnée au repas. Les loisirs et la vie sociale sont touchés et le patient s’isole.
Les populations à risques
Il est nécessaire d’être prudent sur les populations à risques, les études utilisant parfois des outils peu fiables. Cependant, il ressort que l’orthorexie toucherait davantage une population jeune, les sportifs et plus globalement les professionnels de santé et médicaux. Il ne semble pas y avoir de différences notables entre les hommes et les femmes, à l’inverse des autres troubles alimentaires.
Le climat sociétal et les discours contradictoires sur l’alimentation génèrent de l’angoisse. Ce que Claude Fischler appelle la cacophonie diététique. On ne sait plus quoi manger ni sur quoi baser nos choix alimentaires. Par ailleurs, l’alimentation est à présent devenue un domaine qui est perçu sous le prisme de la santé. C’est une représentation médicalisation de la société. L’aspect « médical » de l’alimentation devient le seul à prendre en compte dans le discours de la société.
Comme pour les autres troubles alimentaires, la société influence le développement de l’orthorexie.
Cependant, en plus de ces risques, les réseaux sociaux peuvent aussi être un moyen d’échanger avec d’autres personnes pour y trouver de l’aide ou des conseils. Certaines expériences décrites sur les réseaux sociaux permettent de rompre l’isolement et d’aider certains autres patients.
L'orthorexie dans l'histoire
Si l’orthorexie a été définie il y a tout juste 20 ans et que la société actuelle influence son développement, on retrouve des traces de l’orthorexie plus tôt dans l’histoire. La période grecque et la période romaine décrivent en effet des comportements alimentaires proches de l’orthorexie. Ils se rapportent à la philosophie stoïcienne. Plus largement on peut considérer que l’orthorexie peut se comprendre à travers les âges comme une technique de soi.