Quel terrain commun pour les psychothérapies modernes ?

Auteur : Hofmann, S. G., Barber, J. P., Salkovskis, P., Wampold, B. E., Rief, W., Ewen, A. C. I., & Schäfer, L. N.
Titre original : What Is the Common Ground for Modern Psychotherapy? A Discussion Paper Based on EACLIPT’s 1st Webinar
Date de publication : Mars 2022
Revue : Clinical Psychology in Europe
Langue originale : Anglais
Lien & DOI : https://doi.org/10.32872/cpe.8403

Contexte et but de l’article

Cet article se base sur une discussion suite à conférence en ligne traitant des points communs fondamentaux des psychothérapies actuelles. Il est paru dans le journal de référence de psychologie clinique en Europe. L’objectif est de mettre à jour les aspects fondamentaux qui traversent les différents types de psychothérapies pour favoriser la prise en charge du patient, le dialogue entre les thérapeutes ainsi que la formation des futurs cliniciens.

Constats

Les auteurs réalisent plusieurs constats. En premier lieu, la psychologie clinique est aujourd’hui un regroupement de méthodes et de position diverses qui ont du mal se regrouper et se formaliser en tant que champ disciplinaire cohérent. Par ailleurs, l’évaluation des différentes techniques thérapeutiques semble atteindre ses limites. Les auteurs relèvent le fait qu’il est à présent nécessaire de se concentrer davantage sur le processus et sur le problème amené par le patient que sur une technique ou un modèle spécifique.

L’objectif est de trouver un terrain commun sur lequel se basent les différentes écoles, pour favoriser la compréhension du processus thérapeutique.


Ainsi, la formation des futurs cliniciens gagnerait à ne pas se baser sur une école particulière, mais à intégrer un tronc commun de compétences issues de diverses approches.

De plus, les cliniciens se basent aujourd’hui majoritairement sur une approche liée aux troubles (catégories DSM par exemple) plus que sur le patient en lui-même et sur les processus de changement. Cependant, ce modèle se voulant objectif, il se base sur un aspect subjectif, l’expression et le ressenti du patient. Il serait ainsi plus intéressant de s’intéresser à la relation thérapeutique, à la plainte formulée par le patient et à ses caractéristiques psychologiques, plus qu’à la volonté de trouver un modèle psychopathologique dans lequel le patient s’inscrirait.

Par ailleurs, les auteurs notent que cette ultra focalisation sur une pathologie amènent la création de multiples nouvelles formes de thérapies ou techniques qui se réfèrent en réalité et parfois sans le savoir sur les quatre ou cinq grandes approches traditionnelles.

L’approche basée sur le processus comme illustration

Un des auteurs principaux, Hoffman, propose de décrire quelques grandes lignes de l’approche basée sur le processus (PBT) pour illustrer cette perspective. Dans cette perspective, la thérapie est perçue comme un processus complexe incluant de nombreux aspects différents.

En premier lieu, le point de vue sur le patient, sa souffrance ou encore la thérapie change. Il s’agit selon l’auteur de passer d’une approche nomothétique à une approche idiographique. Plus clairement, la première vise à tirer des lois générales pour comprendre l’individuel, la seconde se base au contraire sur une description et un approfondissement minutieux de l’individuel. D’un autre côté, l’auteur propose une compréhension plus large, en se basant sur le modèle biopsychosocial (interaction des facteurs biologiques, psychologiques et sociaux) pour aborder le patient et la thérapie. Enfin, il propose de ne pas uniquement se baser sur la volonté de réduire les symptômes, mais également de favoriser l’épanouissement du patient.

Pour l’auteur, certains processus se révèlent très précieux mais sont cependant secondaires quelle que soit l’école choisie par le thérapeute (ex : l’acceptation, la possibilité d’adaptation, le sentiment d’efficacité…).

Le cadre de compréhension est un cadre se référant à l’évolutionnisme. C’est-à-dire que la pathologique ou la difficulté apparaît comme une adaptation à un contexte. L’idée est alors d’identifier ce qui a changé dans le contexte, de trouver une solution d’adaptation plus intéressante pour le patient et de la faire perdurer.
Les auteurs considèrent que cette perspective ouvrirait la voie à un traitement expérimental prédictif.

Conclusion

Les auteurs soulignent l’importance de se baser sur la demande et le ressenti du patient plus que sur la question diagnostique et nosographique. Par ce biais, l’approche est ainsi plus souple et permet d’envisager pour le clinicien d’autres angles de compréhension de la situation. Globalement, la question de l’évaluation des thérapies se pose, avec les difficultés méthodologiques connues. La proposition de la PBT ne constitue pas une nouvelle approche en tant que telle avec de nouveaux concepts, mais décale la perspective thérapeutique au niveau du processus et ce qui permet d’aider le patient à aller vers un changement.
En ce sens, la question de la relation thérapeutique est centrale et constitue un élément incontournable de toute approche et toute modélisation.

Notre réflexion

A un niveau européen, une vraie réflexion sur ce qu’est une thérapie et comment l’envisager se pose. En France, la situation est plus compliquée à cause des rivalités profondes entres le différentes écoles. Le débat ne peut que difficilement s’ouvrir sur la réflexion de fondements et de terrain communs à toute approche. En dehors de la proposition de formalisation par la PBT, la réflexion sur le processus davantage que sur la technique ainsi que la focalisation sur la parole du patient plus que sur le modèle et ainsi sur le particulier plus que sur le général nous paraît fondamentale et particulièrement intéressante. Il nous semble y voir ici des échos avec certaines propositions plus anciennes, notamment celle de la phénoménologie ainsi que de l’approche existentielle.
Promouvoir un meilleur dialogue entre les thérapeutes ne peut être qu’une bonne idée. Remettre le patient au centre de la pensée clinique également.