Les points clefs de l’Arfid et les pistes de prise en charge

Qu’est-ce que l’Arfid ?

L’ARFID (Trouble d’évitement ou de restriction alimentaire) est un terme diagnostique pour une perturbation du comportement alimentaire spécifique. Il s’agit d’une aversion pour certains types d’aliments ou de textures, des préférences alimentaires limitées, une réticence ou une incapacité à manger suffisamment. Il entraîne une insuffisance de la nutrition et/ou de l’énergie nécessaire, conduisant à un handicap physique ou psychosocial.

Bien que l’apparition de symptômes d’ARFID chez les enfants, les jeunes et les adultes se présentant en milieu clinique ne soit pas un phénomène nouveau, la terminologie, la compréhension et la caractérisation de la condition ont évolué depuis son inclusion dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5) et la Classification internationale des maladies de l’Organisation mondiale de la santé (CIM-11). L’ARFID est désormais classé dans la même catégorie de troubles de l’alimentation que l’anorexie et la boulimie. Cependant elle s’en distingue par l’absence de préoccupation concernant la forme ou le poids corporel en tant que facteur clé.

Bien que les principales distinctions entre l’ARFID et d’autres troubles alimentaires soient claires, son développement et ses caractéristiques cliniques peuvent varier considérablement d’un individu à l’autre. Cette hétérogénéité peut contribuer à des incertitudes liées à la pratique clinique. En outre, l’ARFID peut souvent coexister avec d’autres troubles mentaux ou physiques, ce qui peut compliquer sa prise en charge. Bien que les publications scientifiques sur l’ARFID soient en augmentation, il reste encore beaucoup à apprendre sur cette pathologie

Que sait-on de l’Arfid ?

L’identification précise de l’ARFID est essentielle pour planifier une prise en charge sanitaire appropriée. À l’heure actuelle, cependant, il n’existe pas d’études épidémiologiques solides sur l’ARFID. Des études ont été menées pour déterminer les taux de prévalence de l’ARFID dans les populations générales et cliniques. Les résultats sont difficiles à interpréter en raison de différences dans les méthodes d’échantillonnage, les tranches d’âge et les régions géographiques, entre autres facteurs. Les taux de prévalence varient entre 0,3 % et 15,5 %. Les études dans les milieux cliniques révèlent des taux de prévalence estimés allant de 5 % à 32 %, avec des estimations similaires pour les populations pédiatriques gastro-entérologiques (1,5 % à 8 %). Les instruments de dépistage pour l’ARFID sont relativement récents. Le manque de cohérence dans l’utilisation des instruments de dépistage peut contribuer aux différences observées dans les estimations de la prévalence.

Les complications associées à l’Arfid

Les examens physiques de routine permettent d’identifier tout problème de santé aigu ou chronique. Il est important de mesurer le poids et la taille des individu pour déterminer s’il existe des signes, de faible poids ou de risques d’obésité, qui sont couramment observés chez les personnes atteintes d’ARFID. Il est également important de déterminer s’il y a chez les enfants des signes de retard pubertaire. Les personnes atteintes d’ARFID présentent souvent des symptômes physiques (douleurs abdominales, difficultés à avaler, satiété précoce ou vomissements).

Des études suggèrent que l’ARFID est souvent associé à des diagnostics neurodéveloppementaux et des troubles mentaux. Par exemple les troubles de l’humeur et de l’anxiété, le TDAH et le TOC ou de l’autisme. Il est donc important que les cliniciens utilisent le processus d’évaluation pour mieux comprendre les difficultés présentées.

Quel traitement pour l’Arfid ?

Psychothérapie

Bien qu’il n’y ait pas encore de protocoles de traitement normalisés pour l’ARFID, il est généralement accepté que les options de traitement doivent être multi-modales. La priorité doit être accordée à l’amélioration de l’état nutritionnel et du poids, suivie d’une intervention psycho-comportementale pour résoudre le trouble alimentaire sous-jacent. Plusieurs études ont montré une amélioration du poids corporel après l’application de la thérapie cognitivo-comportementale ou de thérapie familiale. Cependant, le changement de poids n’est qu’une des variables à considérer lors de la mesure des résultats du traitement. L’amélioration de l’état nutritionnel, la réduction de l’impact psychosocial et l’amélioration du bien-être physique sont également importants. Les objectifs doivent être définis en début de traitement pour discuter ouvertement des résultats réalistes pour l’individu.


Pour les enfants, les plus touchés par ce trouble les TCC et thérapies familiales sont les plus courantes. Elles visent généralement à aider la famille à gérer les repas efficacement, à diminuer les conflits liés à la nourriture et à habituer l’enfant ou le jeune à des aliments nouveaux ou à une consommation accrue par une exposition répétée.


Pour les adultes, la prise en charge peut-être plus complexe, avec un travail uniquement sur le comportement alimentaire pouvant être insuffisant. Des prises en charge plus large et d’orientation psychodynamique peuvent avoir un intérêt chez les adultes.

Nutrition et médicaments

Les interventions diététiques pour l’ARFID dépendent des facteurs qui en sont à l’origine. Pour les personnes évitant les aliments en raison de leurs caractéristiques sensorielles ou de leur crainte de conséquences négatives, il est recommandé d’offrir principalement des aliments préférés tout en exposant progressivement à de petites quantités d’aliments rejetés auparavant. Pour les personnes ayant peu d’intérêt pour la nourriture, il est conseillé de mettre en place des routines alimentaires structurées. Il peut aussi s’agir d’offrir des récompenses pour manger à table et d’augmenter les portions. Les suppléments peuvent être recommandés pour éviter les risques nutritionnels.

Même si certains médicaments, notamment anxiolytique et antidépresseurs ont pu être utilisés, il est peu probable que les médicaments soient considérés comme le traitement de première ligne pour les troubles alimentaires.

Quel avenir pour l’Arfid ?

Il est nécessaire d’avoir plus d’études pour mieux comprendre l’Arfid. Par ailleurs, les traitements semblent différents selon les commorbidités mais également l’âge. Si l’exposition et le travail sur le comportement alimentaire est tout à fait pertinent pour les enfants, cela peut être insuffisant pour les adultes.

Source :
Current evidence for avoidant restrictive food intake disorder: Implications for clinical practice and future directions – Tanith Archibald, Rachel Bryant-Waugh. JCPP Advances

La médiation animale peut aider à la prise en charge des troubles alimentaires

Le recours à des animaux en psychopathologie est un domaine nouveau et prometteur. On sait que les animaux peuvent permettre une médiation intéressante notamment auprès des populations d’enfants ou d’adolescents. Cette population est la plus touchée dans les troubles alimentaires.

Associer les animaux à une thérapie traditionnelle

Une méta analyse a examiné les résultats de 10 études, impliquant au total 177 participants atteints de troubles alimentaires.

Il s’agit d’évaluer ce qui est appelée thérapie de support par les animaux ou thérapie assistée par les animaux. Elle est définie comme une intervention qui utilise des animaux comme support thérapeutique et le plus souvent en conjonction avec d’autres formes de traitement, comme la TCC et l’ACT.

La thérapie assistée par les animaux consiste en des interactions directes avec les animaux, telles que des caresses, des promenades ou des activités de nourrissage. L’objectif est de fournir un soutien émotionnel et physique, voire même une distraction positive, pour aider les patients à mieux appréhender leurs symptômes et à améliorer leur sensation globale.

Les études analysées ont utilisé différentes espèces animales (chiens, chevaux, dauphins). Elles concernaient différents lieux (établissements de soins, cliniques spécialisées, et centres de traitement résidentiel).

Réduction de l’angoisse et des aspects dépressifs

Les résultats de la revue indiquent que l’utilisation de la thérapie assistée par les animaux peut être bénéfique dans le traitement des troubles alimentaires, tels que l’anorexie et la boulimie. Il y aurait notamment une réduction de l’anxiété, de la dépression ou du stress. Par ailleurs, il y aurait une augmentation de la qualité de vie et une plus forte adhésion à la prise en charge. Il y aurait également une augmentation de la confiance en soi et l’estime de soi. Le lien avec le thérapeute se verrait également renforcé.

Il faut cependant rester prudent, bien que les résultats soient prometteurs, les échantillons sont souvent de petite taille et il n’y a pas toujours de groupe contrôle.

Ainsi il semble pour autant que la médiation animale puisse être considérée comme une intervention complémentaire intéressante dans le traitement des troubles alimentaires.

Informations concernant l’article

Auteur : Molly W. Fennig , Elise Weber , Bolade Santos , Ellen E. Fitzsimmons-Craft , Denise E. Wilfley 
Titre original : Animal-assisted therapy in eating disorder treatment: A systematic review
Date de publication : Décembre 2022
Revue : Eating Behaviors
Langue originale : Anglais
Lien & DOI : https://doi.org/10.1016/j.eatbeh.2022.101673

Les thérapies narratives dans les troubles alimentaires

Auteur : L. Heywood, J. Conti & P. Hay
Titre original : a systematic synthesis of narrative therapy treatment components for the treatment of eating disorders
Date de publication : Septembre 2022
Revue : Journal of Eating disorders
Langue originale : Anglais
Lien & DOI : https://doi.org/10.1186/s40337-022-00635-5

But de l’article

Il s’agit d’explorer si les thérapies narratives, peu développées et étudiées peuvent présenter un intérêt pour la prise en charge des troubles alimentaires. Elles pourraient être des approches utiles et complémentaires aux autres techniques thérapeutiques.

Méthode

Il s’agit d’une revue de la littérature, d’une analyse d’articles scientifiques déjà publiés sur les thérapies narratives auprès des troubles alimentaires.

Contexte

Si aujourd’hui plusieurs thérapies se révèlent avoir des effets intéressants dans les troubles alimentaires, aucune n’est efficace pour chacun des troubles. La recherche met également en avant un élément fondamental propre au trouble alimentaire, son côté identitaire. Les troubles alimentaires sont perçus comme une part de l’identité du patient. Ceci explique notamment que bon nombre de patients hésitent à démarrer une prise en charge ou que le trouble alimentaire perdure, il constitue une part de l’identité du patient qu’il est difficile de faire évoluer.

Les thérapies narratives se concentrant sur la dimension identitaire et sur l’histoire vécue du patient pourraient ainsi être prometteuses.

Les thérapies narratives

Elles ont été développées par M. White et D. Epson.
Il s’agit de déconstruire l’histoire du problème, pour l’externaliser, en faire un problème non plus « collé » à soi-même, mais extérieur à soi, pour l’aborder avec un autre regard. Il faut séparer le problème de la personne, amenant la proposition suivante : « Le problème c’est le problème ». Les thérapies narratives proposent ensuite d’explorer comment le trouble s’inscrit dans l’histoire et prend sens dans l’identité du patient. L’idée principale de ces thérapies est de considérer que l’identité d’une personne prend la forme d’une histoire, c’est cette histoire qui guide les pensées, les ressentis et les actions de sa vie.

Un des points clefs des thérapies narratives est de mettre à jour les « histoires cachées » qui entretiennent des scénarios douloureux pour le patient et qui lui échappent. C’est notamment le cas dans les troubles alimentaires. Changer l’interprétation de sa propre histoire permettrait de trouver de mieux vivre sa situation, de mieux se comprendre et ainsi de faire apparaître de nouvelles solutions. Le patient est placé au centre de la thérapie et il est l’expert de sa situation, le thérapeute est là pour l’accompagner à trouver ses propres solutions.

Résultats

Les études relatives à la prise en charge des troubles alimentaires démontrent de bons résultats concernant tant les symptômes que sur le ressenti du patient. C’est également la position du thérapeute et le processus thérapeutique qui, en plaçant le patient comme expert de sa situation, démontrent un intérêt certain.

Notre réflexion

L’intérêt des thérapies narratives peut être d’offrir un décalage sur le symptôme pendant la prise en charge. On sait à quel point les troubles alimentaires prennent toue la place dans la vie du sujet. Il est difficile de trouver une manière d’aborder les autres domaines de vie et de se re rapprocher de ce qui est vraiment important pour le patient. Le trouble alimentaire, souvent affronté de manière directe se renforce finalement. La prise de distance offerte par les thérapies narratives peut être salvatrice et débloquer des situations parfois enkystées depuis longtemps.

Quel terrain commun pour les psychothérapies modernes ?

Auteur : Hofmann, S. G., Barber, J. P., Salkovskis, P., Wampold, B. E., Rief, W., Ewen, A. C. I., & Schäfer, L. N.
Titre original : What Is the Common Ground for Modern Psychotherapy? A Discussion Paper Based on EACLIPT’s 1st Webinar
Date de publication : Mars 2022
Revue : Clinical Psychology in Europe
Langue originale : Anglais
Lien & DOI : https://doi.org/10.32872/cpe.8403

Contexte et but de l’article

Cet article se base sur une discussion suite à conférence en ligne traitant des points communs fondamentaux des psychothérapies actuelles. Il est paru dans le journal de référence de psychologie clinique en Europe. L’objectif est de mettre à jour les aspects fondamentaux qui traversent les différents types de psychothérapies pour favoriser la prise en charge du patient, le dialogue entre les thérapeutes ainsi que la formation des futurs cliniciens.

Constats

Les auteurs réalisent plusieurs constats. En premier lieu, la psychologie clinique est aujourd’hui un regroupement de méthodes et de position diverses qui ont du mal se regrouper et se formaliser en tant que champ disciplinaire cohérent. Par ailleurs, l’évaluation des différentes techniques thérapeutiques semble atteindre ses limites. Les auteurs relèvent le fait qu’il est à présent nécessaire de se concentrer davantage sur le processus et sur le problème amené par le patient que sur une technique ou un modèle spécifique.

L’objectif est de trouver un terrain commun sur lequel se basent les différentes écoles, pour favoriser la compréhension du processus thérapeutique.


Ainsi, la formation des futurs cliniciens gagnerait à ne pas se baser sur une école particulière, mais à intégrer un tronc commun de compétences issues de diverses approches.

De plus, les cliniciens se basent aujourd’hui majoritairement sur une approche liée aux troubles (catégories DSM par exemple) plus que sur le patient en lui-même et sur les processus de changement. Cependant, ce modèle se voulant objectif, il se base sur un aspect subjectif, l’expression et le ressenti du patient. Il serait ainsi plus intéressant de s’intéresser à la relation thérapeutique, à la plainte formulée par le patient et à ses caractéristiques psychologiques, plus qu’à la volonté de trouver un modèle psychopathologique dans lequel le patient s’inscrirait.

Par ailleurs, les auteurs notent que cette ultra focalisation sur une pathologie amènent la création de multiples nouvelles formes de thérapies ou techniques qui se réfèrent en réalité et parfois sans le savoir sur les quatre ou cinq grandes approches traditionnelles.

L’approche basée sur le processus comme illustration

Un des auteurs principaux, Hoffman, propose de décrire quelques grandes lignes de l’approche basée sur le processus (PBT) pour illustrer cette perspective. Dans cette perspective, la thérapie est perçue comme un processus complexe incluant de nombreux aspects différents.

En premier lieu, le point de vue sur le patient, sa souffrance ou encore la thérapie change. Il s’agit selon l’auteur de passer d’une approche nomothétique à une approche idiographique. Plus clairement, la première vise à tirer des lois générales pour comprendre l’individuel, la seconde se base au contraire sur une description et un approfondissement minutieux de l’individuel. D’un autre côté, l’auteur propose une compréhension plus large, en se basant sur le modèle biopsychosocial (interaction des facteurs biologiques, psychologiques et sociaux) pour aborder le patient et la thérapie. Enfin, il propose de ne pas uniquement se baser sur la volonté de réduire les symptômes, mais également de favoriser l’épanouissement du patient.

Pour l’auteur, certains processus se révèlent très précieux mais sont cependant secondaires quelle que soit l’école choisie par le thérapeute (ex : l’acceptation, la possibilité d’adaptation, le sentiment d’efficacité…).

Le cadre de compréhension est un cadre se référant à l’évolutionnisme. C’est-à-dire que la pathologique ou la difficulté apparaît comme une adaptation à un contexte. L’idée est alors d’identifier ce qui a changé dans le contexte, de trouver une solution d’adaptation plus intéressante pour le patient et de la faire perdurer.
Les auteurs considèrent que cette perspective ouvrirait la voie à un traitement expérimental prédictif.

Conclusion

Les auteurs soulignent l’importance de se baser sur la demande et le ressenti du patient plus que sur la question diagnostique et nosographique. Par ce biais, l’approche est ainsi plus souple et permet d’envisager pour le clinicien d’autres angles de compréhension de la situation. Globalement, la question de l’évaluation des thérapies se pose, avec les difficultés méthodologiques connues. La proposition de la PBT ne constitue pas une nouvelle approche en tant que telle avec de nouveaux concepts, mais décale la perspective thérapeutique au niveau du processus et ce qui permet d’aider le patient à aller vers un changement.
En ce sens, la question de la relation thérapeutique est centrale et constitue un élément incontournable de toute approche et toute modélisation.

Notre réflexion

A un niveau européen, une vraie réflexion sur ce qu’est une thérapie et comment l’envisager se pose. En France, la situation est plus compliquée à cause des rivalités profondes entres le différentes écoles. Le débat ne peut que difficilement s’ouvrir sur la réflexion de fondements et de terrain communs à toute approche. En dehors de la proposition de formalisation par la PBT, la réflexion sur le processus davantage que sur la technique ainsi que la focalisation sur la parole du patient plus que sur le modèle et ainsi sur le particulier plus que sur le général nous paraît fondamentale et particulièrement intéressante. Il nous semble y voir ici des échos avec certaines propositions plus anciennes, notamment celle de la phénoménologie ainsi que de l’approche existentielle.
Promouvoir un meilleur dialogue entre les thérapeutes ne peut être qu’une bonne idée. Remettre le patient au centre de la pensée clinique également.

Qu’est-ce qui aide ou blesse un patient dans une psychothérapie ?

Auteur : Trish Sherwood
Titre original : Client experience in psychotherapy : what heals and what harms?
Date de publication : Septembre 2001
Revue : Indo-Pacific Journal of Phenomenology
Langue originale : Anglais
Lien & DOI : https://journals.co.za/doi/pdf/10.10520/AJA14457377_81

But de l’article

L’article vise à mieux comprendre l’expérience du patient dans une psychothérapie. Il est vrai que les professionnels se basent surtout sur leurs propres bases théoriques. Quel que soit le référentiel utilisé, il s’agit surtout de s’intéresser à des éléments majoritairement discutés entre professionnels. La plupart des techniques, lorsqu’elles sont expérimentées, testées ou évaluées dans le cadre d’étude, ne laissent que peu la parole aux patients. Il s’agit de professionnels qui observeront si leurs propres critères de départ sont remplis ou non.

Lorsque le patient est consulté, il doit la plupart du temps remplir un questionnaire déjà construit et donc orienté.

L’article vise ainsi à mieux comprendre l’expérience des patients lors de consultations thérapeutiques en leur laissant la parole, en les laissant clairement indiquer ce qui pour eux a été une aide ou à l’inverse un obstacle.

Méthode

L’auteur s’appuie sur la méthode phénoménologique pour comprendre le coeur de l’expérience vécue par les patients. Concrètement, l’auteur va interviewer les participants. Il se base sur un entretien semi-directif : de grandes questions centrales orientent l’entretien mais le participant reste libre de s’en éloigner et de parler de ce qu’il souhaite.

Les patients sélectionnés ne sont plus actuellement en thérapie, ils sont tous âgés de plus de 21 ans (âge de la majorité dans le pays en question, l’Australie) et ont suivi au moins 5 consultations. En outre, il n’y a pas de critères particuliers concernant le référentiel ou la technique utilisée.

Au final, 2 hommes et 6 femmes constituent l’échantillon de l’étude. Les participants rencontrent deux fois l’auteur de l’étude. La première fois, il s’agit d’une première rencontre expliquant comment se passera l’entretien.
La seconde fois concerne l’entretien en tant que tel.

Les grandes questions/thèmes de l’entretien sont les suivants :

  • Raconter votre expérience de la thérapie
  • Est-ce que le thérapeute a influencé cette expérience ? Si oui comment ?
  • Quels sont les aspects qui vous ont été le plus bénéfiques et ceux qui l’ont été le moins ?
  • Y a-t-il n’importe quelle autre chose que vous avez envie de rajouter à propos de cette expérience ?

Résultats

Ce qui aident les patients

1- Les patients attendent que le thérapeute puisse les inviter en toute sécurité à exprimer leurs expériences et ressentis les plus profonds

Le thérapeute fait sentir le patient en confiance, dans une atmosphère calme et soutenante. Le patient se sent totalement écouté et compris par le thérapeute. La présence véritable du thérapeute, le temps qu’il prend, la stabilité qu’il apporte dans son écoute et dans ses rendez-vous. La qualité de l’espace ouvert par le thérapeute est essentielle pour les patients.

2- Ils souhaitent une vraie rencontre avec le thérapeute et que celui-ci soit honnête

Les patients attendent un thérapeute authentique, un humain qui peut lui aussi ressentir de la douleur et de la peine, qui peut ainsi les comprendre. Ils ne souhaitent pas un thérapeute qui joue un rôle ou qui essaie de les influencer. La sincérité est essentielle pour les patients :

Je ne veux pas que le thérapeute soit neutre.. J’attends qu’il ait une éthique, des valeurs. Je ne veux pas qu’il soit vide pendant que je m’assois me parle à moi-même… J’attends qu’il soit complètement vivant et attentif et impliqué, utilisant ses compétences, son génie, sa personnalité et sa créativité.

Citation d’un des participants de l’étude

3- Les patients ont besoin que le thérapeute se concentre sur leurs préoccupations

Le thérapeute doit laisser son propre bagage personnel en dehors de l’espace de consultation. Les patients veulent sentir que tout l’espace de consultation leur est complètement dédié.

4- La relation thérapeutique doit être au service de leur développement personnel

Les patients souhaitent que les bénéfices qui émergent dans la relation thérapeutique durent au-delà de la fin du suivi. La part cathartique de la prise en charge est ici soulignée.

Ce qui les blesse ou constitue un obstacle

1- Lorsque le patient a la sensation que le thérapeute l’abandonne seul face à ses expériences douloureuses

Lorsque le thérapeute se limite uniquement à sa technique, de manière déshumanisée. Les patients se sentent meurtris et abandonnés lorsque le thérapeute ne réagit pas ou peu quand ils évoquent leur douleur.

Il était froid et il essayait de répondre à mon problème avec des idées préconçues sur qui je suis et ce que je pensais mais en réalité il n’avait aucune idée sur qui j’étais et ce qu’il se passait pour moi

Citation d’une participante de l’étude

2- Lorsque le thérapeute semble être inauthentique

3- Quand le thérapeute impose sa propre personnalité/histoire aux patients

Il est question ici des projections de la part du thérapeute, du fait que sa propre histoire ou que son propre égo prennent le dessus.

4- L’expérience d’un thérapeute qui semble diminuer leur confiance en eux et qui déprécie leurs mécanismes de défense

Les patients font ressortir une attitude de jugement qui les empêche de parler, de s’investir dans la thérapie. Ces jugements leur crée également de la culpabilité dans leur vie quotidienne, ayant la sensation de toujours mal faire.

Notre réflexion

Cette étude met en lumière et rejoint les quelques autres études sur l’expérience des patients ainsi que les conclusions sur l’efficacité des psychothérapies. Nous pouvons bien constater que la relation thérapeutique est centrale. Bien que les questions de l’entretien soient orientées sur le thérapeute, nous voyons bien que la technique est secondaire. Face au mythe du thérapeute « neutre », cette étude souligne l’importance du caractère empathique et de l’affirmation de sa personnalité. Cependant, il s’agit de ne pas tomber non plus dans « trop de personnalité », puisque nous voyons que le risque est de parler trop de soi, que le thérapeute prenne la place qui est normalement dévolue au patient.