Les points clefs de l’Arfid et les pistes de prise en charge

Qu’est-ce que l’Arfid ?

L’ARFID (Trouble d’évitement ou de restriction alimentaire) est un terme diagnostique pour une perturbation du comportement alimentaire spécifique. Il s’agit d’une aversion pour certains types d’aliments ou de textures, des préférences alimentaires limitées, une réticence ou une incapacité à manger suffisamment. Il entraîne une insuffisance de la nutrition et/ou de l’énergie nécessaire, conduisant à un handicap physique ou psychosocial.

Bien que l’apparition de symptômes d’ARFID chez les enfants, les jeunes et les adultes se présentant en milieu clinique ne soit pas un phénomène nouveau, la terminologie, la compréhension et la caractérisation de la condition ont évolué depuis son inclusion dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5) et la Classification internationale des maladies de l’Organisation mondiale de la santé (CIM-11). L’ARFID est désormais classé dans la même catégorie de troubles de l’alimentation que l’anorexie et la boulimie. Cependant elle s’en distingue par l’absence de préoccupation concernant la forme ou le poids corporel en tant que facteur clé.

Bien que les principales distinctions entre l’ARFID et d’autres troubles alimentaires soient claires, son développement et ses caractéristiques cliniques peuvent varier considérablement d’un individu à l’autre. Cette hétérogénéité peut contribuer à des incertitudes liées à la pratique clinique. En outre, l’ARFID peut souvent coexister avec d’autres troubles mentaux ou physiques, ce qui peut compliquer sa prise en charge. Bien que les publications scientifiques sur l’ARFID soient en augmentation, il reste encore beaucoup à apprendre sur cette pathologie

Que sait-on de l’Arfid ?

L’identification précise de l’ARFID est essentielle pour planifier une prise en charge sanitaire appropriée. À l’heure actuelle, cependant, il n’existe pas d’études épidémiologiques solides sur l’ARFID. Des études ont été menées pour déterminer les taux de prévalence de l’ARFID dans les populations générales et cliniques. Les résultats sont difficiles à interpréter en raison de différences dans les méthodes d’échantillonnage, les tranches d’âge et les régions géographiques, entre autres facteurs. Les taux de prévalence varient entre 0,3 % et 15,5 %. Les études dans les milieux cliniques révèlent des taux de prévalence estimés allant de 5 % à 32 %, avec des estimations similaires pour les populations pédiatriques gastro-entérologiques (1,5 % à 8 %). Les instruments de dépistage pour l’ARFID sont relativement récents. Le manque de cohérence dans l’utilisation des instruments de dépistage peut contribuer aux différences observées dans les estimations de la prévalence.

Les complications associées à l’Arfid

Les examens physiques de routine permettent d’identifier tout problème de santé aigu ou chronique. Il est important de mesurer le poids et la taille des individu pour déterminer s’il existe des signes, de faible poids ou de risques d’obésité, qui sont couramment observés chez les personnes atteintes d’ARFID. Il est également important de déterminer s’il y a chez les enfants des signes de retard pubertaire. Les personnes atteintes d’ARFID présentent souvent des symptômes physiques (douleurs abdominales, difficultés à avaler, satiété précoce ou vomissements).

Des études suggèrent que l’ARFID est souvent associé à des diagnostics neurodéveloppementaux et des troubles mentaux. Par exemple les troubles de l’humeur et de l’anxiété, le TDAH et le TOC ou de l’autisme. Il est donc important que les cliniciens utilisent le processus d’évaluation pour mieux comprendre les difficultés présentées.

Quel traitement pour l’Arfid ?

Psychothérapie

Bien qu’il n’y ait pas encore de protocoles de traitement normalisés pour l’ARFID, il est généralement accepté que les options de traitement doivent être multi-modales. La priorité doit être accordée à l’amélioration de l’état nutritionnel et du poids, suivie d’une intervention psycho-comportementale pour résoudre le trouble alimentaire sous-jacent. Plusieurs études ont montré une amélioration du poids corporel après l’application de la thérapie cognitivo-comportementale ou de thérapie familiale. Cependant, le changement de poids n’est qu’une des variables à considérer lors de la mesure des résultats du traitement. L’amélioration de l’état nutritionnel, la réduction de l’impact psychosocial et l’amélioration du bien-être physique sont également importants. Les objectifs doivent être définis en début de traitement pour discuter ouvertement des résultats réalistes pour l’individu.


Pour les enfants, les plus touchés par ce trouble les TCC et thérapies familiales sont les plus courantes. Elles visent généralement à aider la famille à gérer les repas efficacement, à diminuer les conflits liés à la nourriture et à habituer l’enfant ou le jeune à des aliments nouveaux ou à une consommation accrue par une exposition répétée.


Pour les adultes, la prise en charge peut-être plus complexe, avec un travail uniquement sur le comportement alimentaire pouvant être insuffisant. Des prises en charge plus large et d’orientation psychodynamique peuvent avoir un intérêt chez les adultes.

Nutrition et médicaments

Les interventions diététiques pour l’ARFID dépendent des facteurs qui en sont à l’origine. Pour les personnes évitant les aliments en raison de leurs caractéristiques sensorielles ou de leur crainte de conséquences négatives, il est recommandé d’offrir principalement des aliments préférés tout en exposant progressivement à de petites quantités d’aliments rejetés auparavant. Pour les personnes ayant peu d’intérêt pour la nourriture, il est conseillé de mettre en place des routines alimentaires structurées. Il peut aussi s’agir d’offrir des récompenses pour manger à table et d’augmenter les portions. Les suppléments peuvent être recommandés pour éviter les risques nutritionnels.

Même si certains médicaments, notamment anxiolytique et antidépresseurs ont pu être utilisés, il est peu probable que les médicaments soient considérés comme le traitement de première ligne pour les troubles alimentaires.

Quel avenir pour l’Arfid ?

Il est nécessaire d’avoir plus d’études pour mieux comprendre l’Arfid. Par ailleurs, les traitements semblent différents selon les commorbidités mais également l’âge. Si l’exposition et le travail sur le comportement alimentaire est tout à fait pertinent pour les enfants, cela peut être insuffisant pour les adultes.

Source :
Current evidence for avoidant restrictive food intake disorder: Implications for clinical practice and future directions – Tanith Archibald, Rachel Bryant-Waugh. JCPP Advances

Le cycle de la honte de l’obésité

La honte est un point central pour les patients souffrant d’obésité. On peut même parler d’un cycle de la honte qui renforce tant ce sentiment que les difficultés alimentaires qui peuvent survenir dans cette pathologie.

Une honte favorisée par la société

stigmatise les corps considérés comme « trop gros » ou « hors normes ». Cette culture de la minceur est souvent véhiculée par les médias, la publicité, le cinéma et la mode, et elle devient une norme internalisée par les individus dès leur plus jeune âge.

L’obésité est souvent perçue comme un choix personnel ou comme une question de volonté ou de contrôle de soi. Rappelons que ce n’est jamais le cas. L’obésité est une pathologie. Cependant, cette idée peut amener les personnes obèses à être blâmées pour leur poids et à être victimes de préjugés et de discrimination. Elle est également souvent associée à des préjugés sur le caractère, la personnalité ou encore la compétence des personnes obèses. Même le domaine professionnel porte cette stigmatisation.

Les conséquences de la stigmatisation sociétale

La stigmatisation entraîne régulièrement une baisse de l’estime de soi et un sentiment de honte chez les personnes obèses. Elles se sentent dévalorisées et jugées sur la base de leur apparence physique, ce qui, en général, génère de l’anxiété, des affects de tristesse ou d’angoisse. Ce sont aussi des situations qui pourraient être positives qui vont être évitées. Les sorties, les moments de convivialité impliqueraient le regard stigmatisant de l’autre et les personnes s’isoleraient pour l’éviter.

Cause et conséquence : le cycle de la honte

Le cycle commence ainsi par cette honte portée par les normes et fausses croyances (manque de volonté…) suscitant un affect de honte. Cette honte s’accompagne de culpabilité et d’émotions ressenties comme négatives.

Ces émotions peuvent être tellement difficiles que les personnes souffrant d’obésité chercheront une manière de les évacuer ou de les compenser. Ainsi, l’une des manières peut être de se tourner vers la nourriture. Il s’agit de faire face au stress et aux émotions négatives, ce qui peut entraîner une prise de poids supplémentaire. De plus, cette prise de poids peut à son tour renforcer la stigmatisation de l’obésité et alimenter la honte et la culpabilité chez les personnes obèses, créant ainsi un cercle vicieux.

[Stigmatisation de l’obésité] –> [Honte et culpabilité] –> [Compulsion alimentaire et prise de poids] –> [Renforcement de la stigmatisation] –> [Renforcement de la honte et de la culpabilité] –> retour à la [Stigmatisation de l’obésité]

Sortir du cycle ?

Pour briser ce cycle de la honte, il est ainsi recommandé de travailler sur l’estime de soi, sur la santé et le bien-être plutôt que sur leur poids. Par ailleurs, il est utile de chercher du soutien auprès de groupes et de professionnels de la santé. Ces derniers ont une compréhension positive et plus juste de l’obésité.

Changer le regard sociétal

La sensibilisation du grand public est essentielle pour lutter contre la stigmatisation de l’obésité. Il est important d’éduquer les gens sur les causes de l’obésité, qui sont souvent multifactorielles. Il faut également promouvoir une compréhension empathique des personnes obèses.

Les médias peuvent jouer un rôle important dans la sensibilisation du public en évitant les stéréotypes et les préjugés sur les personnes obèses et en promouvant une image positive et réaliste de la diversité corporelle.

Enfin, il est important de mettre l’accent sur la santé et le bien-être plutôt que sur le poids et l’apparence physique. Il est aussi important de reconnaître que la santé ne se limite pas à la taille ou au poids.

Sources

Auteur : B. Karcher 
Titre original : Le cycle de la honte dans l’obésité
Date de publication : 2016
Revue : L’encéphale
Langue originale : Français

La médiation animale peut aider à la prise en charge des troubles alimentaires

Le recours à des animaux en psychopathologie est un domaine nouveau et prometteur. On sait que les animaux peuvent permettre une médiation intéressante notamment auprès des populations d’enfants ou d’adolescents. Cette population est la plus touchée dans les troubles alimentaires.

Associer les animaux à une thérapie traditionnelle

Une méta analyse a examiné les résultats de 10 études, impliquant au total 177 participants atteints de troubles alimentaires.

Il s’agit d’évaluer ce qui est appelée thérapie de support par les animaux ou thérapie assistée par les animaux. Elle est définie comme une intervention qui utilise des animaux comme support thérapeutique et le plus souvent en conjonction avec d’autres formes de traitement, comme la TCC et l’ACT.

La thérapie assistée par les animaux consiste en des interactions directes avec les animaux, telles que des caresses, des promenades ou des activités de nourrissage. L’objectif est de fournir un soutien émotionnel et physique, voire même une distraction positive, pour aider les patients à mieux appréhender leurs symptômes et à améliorer leur sensation globale.

Les études analysées ont utilisé différentes espèces animales (chiens, chevaux, dauphins). Elles concernaient différents lieux (établissements de soins, cliniques spécialisées, et centres de traitement résidentiel).

Réduction de l’angoisse et des aspects dépressifs

Les résultats de la revue indiquent que l’utilisation de la thérapie assistée par les animaux peut être bénéfique dans le traitement des troubles alimentaires, tels que l’anorexie et la boulimie. Il y aurait notamment une réduction de l’anxiété, de la dépression ou du stress. Par ailleurs, il y aurait une augmentation de la qualité de vie et une plus forte adhésion à la prise en charge. Il y aurait également une augmentation de la confiance en soi et l’estime de soi. Le lien avec le thérapeute se verrait également renforcé.

Il faut cependant rester prudent, bien que les résultats soient prometteurs, les échantillons sont souvent de petite taille et il n’y a pas toujours de groupe contrôle.

Ainsi il semble pour autant que la médiation animale puisse être considérée comme une intervention complémentaire intéressante dans le traitement des troubles alimentaires.

Informations concernant l’article

Auteur : Molly W. Fennig , Elise Weber , Bolade Santos , Ellen E. Fitzsimmons-Craft , Denise E. Wilfley 
Titre original : Animal-assisted therapy in eating disorder treatment: A systematic review
Date de publication : Décembre 2022
Revue : Eating Behaviors
Langue originale : Anglais
Lien & DOI : https://doi.org/10.1016/j.eatbeh.2022.101673

Les thérapies narratives dans les troubles alimentaires

Auteur : L. Heywood, J. Conti & P. Hay
Titre original : a systematic synthesis of narrative therapy treatment components for the treatment of eating disorders
Date de publication : Septembre 2022
Revue : Journal of Eating disorders
Langue originale : Anglais
Lien & DOI : https://doi.org/10.1186/s40337-022-00635-5

But de l’article

Il s’agit d’explorer si les thérapies narratives, peu développées et étudiées peuvent présenter un intérêt pour la prise en charge des troubles alimentaires. Elles pourraient être des approches utiles et complémentaires aux autres techniques thérapeutiques.

Méthode

Il s’agit d’une revue de la littérature, d’une analyse d’articles scientifiques déjà publiés sur les thérapies narratives auprès des troubles alimentaires.

Contexte

Si aujourd’hui plusieurs thérapies se révèlent avoir des effets intéressants dans les troubles alimentaires, aucune n’est efficace pour chacun des troubles. La recherche met également en avant un élément fondamental propre au trouble alimentaire, son côté identitaire. Les troubles alimentaires sont perçus comme une part de l’identité du patient. Ceci explique notamment que bon nombre de patients hésitent à démarrer une prise en charge ou que le trouble alimentaire perdure, il constitue une part de l’identité du patient qu’il est difficile de faire évoluer.

Les thérapies narratives se concentrant sur la dimension identitaire et sur l’histoire vécue du patient pourraient ainsi être prometteuses.

Les thérapies narratives

Elles ont été développées par M. White et D. Epson.
Il s’agit de déconstruire l’histoire du problème, pour l’externaliser, en faire un problème non plus « collé » à soi-même, mais extérieur à soi, pour l’aborder avec un autre regard. Il faut séparer le problème de la personne, amenant la proposition suivante : « Le problème c’est le problème ». Les thérapies narratives proposent ensuite d’explorer comment le trouble s’inscrit dans l’histoire et prend sens dans l’identité du patient. L’idée principale de ces thérapies est de considérer que l’identité d’une personne prend la forme d’une histoire, c’est cette histoire qui guide les pensées, les ressentis et les actions de sa vie.

Un des points clefs des thérapies narratives est de mettre à jour les « histoires cachées » qui entretiennent des scénarios douloureux pour le patient et qui lui échappent. C’est notamment le cas dans les troubles alimentaires. Changer l’interprétation de sa propre histoire permettrait de trouver de mieux vivre sa situation, de mieux se comprendre et ainsi de faire apparaître de nouvelles solutions. Le patient est placé au centre de la thérapie et il est l’expert de sa situation, le thérapeute est là pour l’accompagner à trouver ses propres solutions.

Résultats

Les études relatives à la prise en charge des troubles alimentaires démontrent de bons résultats concernant tant les symptômes que sur le ressenti du patient. C’est également la position du thérapeute et le processus thérapeutique qui, en plaçant le patient comme expert de sa situation, démontrent un intérêt certain.

Notre réflexion

L’intérêt des thérapies narratives peut être d’offrir un décalage sur le symptôme pendant la prise en charge. On sait à quel point les troubles alimentaires prennent toue la place dans la vie du sujet. Il est difficile de trouver une manière d’aborder les autres domaines de vie et de se re rapprocher de ce qui est vraiment important pour le patient. Le trouble alimentaire, souvent affronté de manière directe se renforce finalement. La prise de distance offerte par les thérapies narratives peut être salvatrice et débloquer des situations parfois enkystées depuis longtemps.

L’émergence de l’orthorexie dans la société

Pourquoi avons-nous peur de ce que nous mangeons ?

Résumé

L’angoisse liée aux pratiques alimentaires prend de plus en plus d’importance dans les sociétés occidentales. Les pratiques de contrôle et de rigidité liées à l’alimentation se développent avec une intensité plus ou moins importante. Loin d’être un symptôme individuel isolé, il apparaît que cette pratique est le résultat d’une lutte contre l’angoisse liée à la symbolique de l’alimentation. Cette angoisse provient à la fois d’un caractère religio-culturel lié à l’alimentation et  de l’évolution des pratiques alimentaires depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Angoisse confirmée par les crises alimentaires et par les avancées de la recherche médicale. De plus, les « nouvelles maladies » changent également le rapport de l’individu à la mort et influencent sa manière de gérer l’angoisse. L’article explore comment chacun de ses éléments sont reliés et pourquoi l’alimentation à une place de choix vis-à-vis de ces problématiques.

Introduction

Les produits laitiers, le gluten… Il semble y avoir un phénomène particulier autour de l’alimentation se traduisant par une peur de certains aliments, mais plus globalement de l’acte alimentaire en général. Il semble que ce phénomène ne soit pas limité à une population touchée par des troubles psychologiques ou victimes de troubles du comportement alimentaire. Nous ne parlerons donc pas ici de néophobie ou d’une personnalité à caractère obsessionnel dont l’alimentation serait la représentation symbolique du conflit. Il s’agit de s’intéresser aux sources des inquiétudes alimentaires actuelles. Ensuite, nous verrons comment le caractère symbolique propre à l’alimentation et les transformations de la société amènent l’alimentation à avoir une place de choix par rapport à la crainte de la mort et de la maladie. Pour y répondre, un contrôle important, voire à outrance, se met en place pour essayer de diminuer cette angoisse.

L’importance du caractère symbolique de l’acte alimentaire dans l’apparition de la crainte

L’aliment tabou ancré dans la représentation symbolique de l’acte alimentaire

L’acte alimentaire revêt une dimension symbolique importante. C’est la pomme mangée par Ève qui met fin au jardin d’Eden[1]. Dans les traditions religio-culturel, la place de l’alimentation est teintée d’une valence importante, le plus souvent une valence négative. Les aliments mentionnés sont le plus souvent des aliments interdits ; le lévitique de la bible par exemple, détaille précisément les aliments interdits. Dans la tradition judéo-chrétienne, les aliments destinés à la consommation alimentaire sont déjà catégorisés en aliments purs et impurs[2]. La religion musulmane s’inscrit dans ce prolongement avec une définition précise des interdits alimentaires[3] dans le Coran.

L’acte alimentaire est donc, culturellement, porteur d’un symbolisme important. C’est l’émergence du tabou. Le tabou fait référence à un caractère interdit et sacré, ce qui, s’il est touché, est un sacrilège[4] qui amènera une punition. Ainsi, cette crainte de l’aliment impur est donc profondément ancrée dans la société, par l’influence religio-culturelle. Il y a donc des aliments que l’on peut manger ou pas dans chaque société. Que la raison soit religieuse, ou plus culturelle. La consommation de canard et de grenouille ne pose pas de problème en France alors qu’elle est marginale, voire exclue dans les autres pays européens.

L’acte alimentaire comme constructeur symbolique d’une identité, du Moi


Le fameux proverbe « on est ce que l’on mange » marque bien le poids de la symbolique de l’acte alimentaire. En mangeant des aliments, j’incorpore une partie de leur substance et cela me transforme. Cette symbolique de l’incorporation mise en lumière par Frazer[5] pour les peuples primitifs est un mode de pensée présent chez chacun de nous[6]. Le cannibalisme de certains peuples consistait à manger le corps ou une partie du corps de l’autre pour obtenir sa force ou sa puissance[7].  Ce symbolisme et cette croyance, inconsciente la plupart du temps, de l’incorporation est significatif de la puissance de la pensée magique concernant l’alimentation[8].

La pensée magique

Ce mode de pensée qui consiste à attribuer des causes à certains événements ou des qualités à certains objets, certains aliments, sans aucune raison rationnelle. C’est par ce symbolisme que l’acte alimentaire est le support de la construction de son identité, de son Moi en terme psychanalytique. L’acte alimentaire, aussi simple soit-il, est le centre de la vie d’un individu venant au monde. On parle bien de nourrisson ; celui qu’ on nourrit. L’alimentation vient combler un besoin vital chez l’enfant, sa faim.

La symbolique de l’agressivité et du danger lié à l’alimentation

L’acte alimentaire est la première source de plaisir, mais également un mode d’entrée en relation avec l’autre (peau à peau lors de l’allaitement ou échange de regard et portage lors du biberon). L’acte alimentaire est une des premières expériences de plaisir et de relation à autrui. Pour la psychanalyse, cette découverte du monde et cette première expérience du plaisir constituent le stade oral[9], le premier stade de développement psychologique de l’individu. Et cette oralité est forte de fantasmes et de représentations inconscientes[10] pouvant revêtir un caractère agressif.

Si au départ manger se limite à la succion, l’apparition des dents permet de se rendre compte que l’alimentation revêtir un caractère agressif[11]. Il est donc intéressant de noter que l’acte alimentaire représente donc, de manière symbolique est inconsciente un aspect à la fois dangereux (manger peut être dévorer) et participe à me faire devenir qui je suis (par la pensée magique d’incorporation).

L’alimentation et le groupe identitaire d’appartenance

Dès lors l’acte alimentaire est porteur de représentation qui va au-delà de la simple fonction biologique  va alors être le support de la construction de qui je suis, à quel groupe j’appartiens. Les différentes croyances, traditions liées à l’acte alimentaire vont être le support et l’affirmation d’une identité commune, liés à une histoire, à un territoire et aux qualités qui s’y rapportent.[12] L’acte alimentaire est donc par extension un moyen pour l’individu d’affirmer son groupe social d’appartenance[13], mais aussi à l’inverse d’identifier celui qui n’est pas de notre groupe d’appartenance[14]. La consommation de caviar, de foie gras et celle de raviolis n’ont pas la même symbolique vis-à-vis de mon groupe d’appartenance. Cette idée est aussi celle Levi-Strauss, et de son triangle alimentaire[15]. Ce dernier met en lumière le symbolisme lié au prestige ou à la médiocrité de certaines préparations et aliment propre à toutes cultures.[16]

L’acte alimentaire est donc lié à des représentations symboliques et inconscientes profondes. Les aliments sont purs ou impurs (avec le risque d’une punition en cas d’impureté) et manger me construit, me transforme, me permet d’affirmer qui je suis.

La transformation de la société et de son rapport à l’alimentation

De la pénurie à la profusion : la possibilité de penser et de choisir notre alimentation

Le rapport à l’alimentation a connu une certaine évolution dans la société moderne. La société moderne s’est construite au sortir de la Seconde Guerre mondiale et l’alimentation était alors marquée par la pénurie et la restriction. On mangeait ce que l’on pouvait. Avec la reconstruction européenne, l’urbanisation et la réussite économique des glorieuses, la population française connaît la profusion alimentaire[17]. Elle a le choix (peut-être trop) dans les rayons des « hypersurfaces »  et cette profusion vient inverser cette peur de manquer liée à la guerre, et représentant symboliquement le risque de mort. Mais la profusion vient aussi confronter l’individu à cette possibilité et cette nécessité de choix, et donc penser son alimentation. Je ne consomme plus ce que je peux, mais ce que je veux. Mais qu’est-ce que je veux ? Un produit qui me fait plaisir ? Ou plutôt vais-je choisir par défaut, en excluant les « produits mauvais », l’aliment impur ?
L’accès favorisé à une profusion alimentaire et à cette possibilité de choix amène l’individu à penser son alimentation, plus qu’auparavant.

Du bœuf au steak en barquette : l’évolution de l’aliment et de sa représentation favorise la peur

L’urbanisation de la société récente amène également à un développement de l’industrie agroalimentaire et à la diminution de l’activité agricole traditionnelle. L’aliment devient un produit de consommation comme un autre, parfois assez éloigné du produit initial, brut. Il se crée alors l’inquiétude suivante, je ne sais plus vraiment ce que je mange. Et comme, nous l’avons vu, manger signifie inconsciemment incorporer ce que je mange pour me transformer, le risque d’une transformation néfaste émerge. Mais l’industrie agroalimentaire use également de nombreuses substances « chimiques ». Substances en réalité artificielle, « non naturelle ». Cet ajout d’artificiel réveille la peur de l’apprenti sorcier, la peur que l’homme ne maitrise pas la technologie et qu’elle peut avoir raison de lui[18].  L’aliment moderne est donc porteur une nouvelle fois d’une symbolique inquiétante de destruction.

L’inquiétude symbolique devient une réalité concrète : les crises sanitaires

La crise de la vache folle a rendu réelle la peur symbolique de mourir à cause d’un aliment que l’on croyait sain. La responsabilité est donc celle de l’industrie agroalimentaire, d’une production agricole non « naturelle », de l’utilisation de produit transformé. « La crainte de ‘mourir empoisonné’ succède ainsi à celle ancestrale de ‘mourir de faim’. »[19] Cette peur de l’empoisonnement va renforcer les mesures publiques visant à garantir la sécurité sanitaire, mais créant ainsi un climat anxiogène lié à l’alimentation[20]

La recherche scientifique sur la sécurité sanitaire et plus globalement sur le lien entre alimentation et santé a fortement progressé. Mais les messages alarmistes  ont un impact plus fort que ceux expliquant et rassurant sur la qualité sanitaire.[21]  L’autre versant des crises liées à l’alimentation est aussi celui de la peur du mensonge, de la manipulation, proche de la théorie du complot. L’agroalimentaire étant déjà suspecté, via différents procédés technologiques et artificiels, de rendre les aliments dangereux, elle est désormais considérée comme manipulant les informations pour tromper le consommateur (78% des français estiment que l’agroalimentaire nuit à leur santé)[22]. Avec les crises de la viande de cheval retrouvée dans les lasagnes surgelées, l’individu vient confirmer ses inquiétudes par rapport à l’agroalimentaire et donc à bon nombre de produits alimentaires.

L’apparition de nouvelles pathologies

Mais en plus du danger représenté par un aliment potentiellement insalubre, la médecine révèle le lien entre l’alimentation et l’apparition de certaines maladies. Même si son implication et son intérêt sont aujourd’hui particulièrement importants, l’alimentation par la symbolique de l’incorporation a toujours été considérée culturellement comme pouvant avoir une influence puissante sur la santé[23] l’aliment, même sain, devient porteur du risque d’apparition de maladie.

La renaissance de l’empoisonnement

La transformation de la société invite l’individu, par la profusion des rayons à avoir le choix de son alimentation. Ce choix amène une réflexion plus importante sur l’alimentation et sur les critères de choix. Avec l’urbanisation ; la production alimentaire se transforme et la production agricole traditionnelle laisse sa place à l’agroalimentaire. Les techniques de transformations utilisées réveillent la peur d’une technologie non contrôlée, empoisonnant l’alimentation. Cette crainte se voit confirmée par les différentes crises sanitaires connues dans les années 80 et 90. Elle est corroborée par les crises juridiques concernant l’étiquetage et le traçage des produits, où l’agroalimentaire devient, celle qui empoisonne consciemment et le cache aux consommateurs. Outre l’agroalimentaire, les aliments présents dans la gastronomie française et sans problèmes de salubrité deviennent porteurs d’un risque pour la santé, impliqué dans l’apparition de cancer ou d’autres maladies.

La transformation du rapport à la mort

La menace vient de l’intérieur

La découverte et la prise en charge du cancer ont profondément changé notre rapport à la mort. La population vit plus longtemps, mais pas forcément en bonne santé, cancer, maladie d’Alzheimer, de Parkinson… Ces maladies « nouvelles » ont un point commun, il est impossible de trouver précisément un agent extérieur coupable de la maladie. La symbolique est alors forte : ce n’est pas un virus ou une bactérie mauvaise qui vient attaquer mon corps, c’est mon corps lui-même qui se retourne contre moi. Le cancer est particulièrement perçu comme une maladie sournoise et envahissante[24]. La mort vient donc de moi-même, de ce que je suis, de mon quotidien, il n’y a pas de signes avant-coureurs et pas de raisons extérieures.


Dans les pays occidentaux, la menace de mort, outre la maladie, n’est plus la guerre. C’est plutôt le risque d’attaque terroriste. Le terrorisme a d’ailleurs la même symbolique, l’ennemi est intérieur, on ne le voit pas, il n’y a pas de signe permettant de le déceler[25].
Le rapport à la mort est donc nouveau : c’est ce qui ne nous est pas ou peu visible, difficilement identifiable. La mort vient de l’intérieur.
Le rapport à la mort est aussi nouveau en ce sens que les modèles explicatifs ou justifiant la mort, bien plus prégnants auparavant, par exemple la religion, n’apportent plus vraiment de réponses à l’individu. La plupart des gens atteints d’un cancer estiment que le cancer est la suite d’un événement particulier, qu’ils ont mal effectué et qu’ils sont « punis »[26], mais ce n’est plus la religion qui punit.

L’acte alimentaire au cœur de cette angoisse

Face à ce manque d’explications face à la mort, l’acte alimentaire devient alors une raison puissante pouvant donner sens à la maladie, à l’angoisse de mort. L’acte alimentaire, nous l’avons vu, en lui-même porte une symbolique d’impure ou de pure, qui peut donc amener une punition. Même si la religion est moins présente, la punition associée, elle, demeure. Ce sera le développement des maladies diverses, de cancers. Punition qui nous l’avons vu, n’est plus que symbolique, puisque le discours médical appuie cette menace.

Par ailleurs, l’acte alimentaire par sa symbolique d’incorporation vient encore une fois se placer au cœur de la peur de la maladie de l’intérieur. Je suis ce que je mange, donc si  je mange un « mauvais aliment » je deviens « mauvais » ou mon corps devient « mauvais ». Par ailleurs, identifier une raison externe permet aussi de se rassurer[27]. Finalement mon corps ne se retourne pas contre moi tout seul, c’est la cause d’un mauvais aliment que j’ai consommé. Le coupable est donc l’aliment, et plus globalement l’industrie agroalimentaire comme nous avons pu le voir.

Le contrôle pour gérer l’angoisse : vers une société orthorexique

L’acte alimentaire et l’aliment étant au cœur de l’angoisse de mort, la solution va donc être de contrôler rigoureusement ce que l’on mange. L’orthorexie désigne ce contrôle rigide de l’alimentation empêchant une prise de plaisir et se basant sur un processus rationnel. L’orthorexie est en général considérée comme un appauvrissement de la valeur symbolique, d’un retour à la fonction purement fonctionnelle de l’alimentation. Or il me semble que c’est bel et bien le surinvestissement symbolique, qui devenant angoissant va conduire à l’orthorexie. Suivant le principe des mécanismes de défense de types obsessionnels (en terme psychanalytique) ou différents procédés de contrôles et de rationalisations en terme cognitiviste, l’individu va essayer de canaliser et de contrôler cette angoisse.


Cette angoisse sociétale entretenue par les messages médicaux et les médias[28] tend à favoriser cette tendance à l’orthorexie. Si l’orthorexie est une lutte contre l’angoisse, c’est une attitude qui nous paraît dangereuse et peu adaptée. L’orthorexie isole socialement et en ce sens favorise les risques dépressifs. Le plaisir lié à l’alimentation st inexistante et la rigueur imposée par ce fonctionnement empêche l’individu de pouvoir faire ses propres choix et de profiter de certains moments, incompatibles avec l’orthorexie.

Conclusion

La peur de ce que nous mangeons est donc le fruit de la rencontre d’une symbolique traditionnelle puissante lié à l’acte alimentaire et des nouvelles craintes et danger liés à une évolution sociale et urbaine. Les crises alimentaires, sanitaires ou juridiques, l’avancée des recherches médicales dans le cadre de la prévention de nombreuses maladies confirment ces angoisses et ses représentations angoissantes li à l’alimentation. La menace est d’autant plus angoissante que le rapport à la mort et la gestion de son angoisse est nouveaux ; les religions n’apportent plus de réponses adéquates et la mort n’est plus une menace clairement identifiable, elle vient du quotidien ou de moi-même. Encore une fois l’acte alimentaire trouve une place de choix pour proposer une explication et lutter contre cette angoisse : l’orthorexie.


Notes

[1] Genèse, La Bible

[2] Lévithique, La Bible

[3] Couran, Sourate V

[4] Rey A. (1998). Dictionnaire historique de la langue française. Paris. Le Robert.

[5] Frazer, J.  (1911). The Golden Bough. London.

[6] Fischler, C. (1994). Manger Magique. Editions autrement

[7]  Mondher, K. (2006). « Le cannibalisme. une catégorie bonne à penser ». Études sur la mort 1/2006 (no 129). p. 33-46

[8] Ibid

[9] Freud, S. (1915). La sexualité infantile in Trois essais sur la théorie sexuelle. Paris. Gallimard

[10] Abraham, K. (1907). Œuvres Complètes. Broché

[11] Ibid

[12] Teuteberg H.-J. and all. (1996). Essen und kulturelle Identität, Berlin, Akademie Verlag

[13] Régnier F. and all (2009). Obésité, goûts et consommation . Intégration des normes d’alimentation et appartenance sociale Revue française de sociologie 4/2009 (Vol. 50)p. 747-773 DOI : 10.3917/rfs.504.0747.

[14] Héritier-Augé, F. (1985). La leçon des ‘primitifs’.  In Collectif (ed.), L’Identité française. Tierce. Paris (pp. 56-65).

[15] Levi-Strauss, C. (1958). L’anthropologie structurale. Paris. Plon.

[16] Farb, Peter. and all. (1985). Anthropologie des coutumes alimentaires. Delanoël

[17] Baudrillard, J. (1970). La société de consommation. Idées Gallimard.

[18] Jonas, H. (1979). Le principe responsabilité, une éthique pour la civilisation technologique. Cerf

[19] Cahuzac E. and all. (2007)., « Sécurité sanitaire des aliments : fausse alerte et vraie crise », Economie & prévision 1/2007 (n° 177). p. 55

[20] Poulain, J-P. (2001). Manger aujourd’hui. Privat.

[21] Liu S. and all (1998). “ Information and Risk Perception : A Dynamic Adjustment Process” Risk Analysis. vol. 18, pp. 689-700

[22] TNS Sofres : http://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/0211261905418-agroalimentaire-la-crise-de-confiance-gagne-du-terrain-2025401.php

[23] Hippocrate. trad. Les Belles Lettres : Du régime

[24] Sarradon-Eck, A. (2004). Pour une anthropologie clinique : saisir le sens de l’expérience du cancer. in Soussan B. Le cancer approche psychodynamique chez l’adulte

[25] Juergensmeyer, M. (2001). Terror in the mind of god. Université of California Press

[26] Ibid

[27] Chabrol, H. (2005). « Les mécanismes de défense », Recherche en soins infirmiers 3/2005 (N° 82) , p. 31-42.

DOI : 10.3917/rsi.082.0031.

[28] http://seppi.over-blog.com/2016/09/cash-investigation-non-cash-manipulation-l-exemple-des-nitrites.html

L’orthorexie et les réseaux sociaux

Auteur :Costa, M. F., Prado, S. D., & Carvalho, M. C. D. V. S.
Titre original : Orthorexia in social media: reflections between health and disease
Date de publication : Mai 2022
Revue : Saúde e Sociedade
Langue originale : Anglais & Portugais
Lien & DOI : https://doi.org/10.1590/S0104-12902022210760en

But de l’article

Les auteurs souhaitent explorer comment les réseaux sociaux influencent l’orthorexie. Il s’agit d’explorer comment ces derniers véhiculent de normes alimentaires et des normes de santé, en se basant sur la pensée de Canghuilhem et de Foucault.

Méthode

Il s’agit d’une analyse d’articles scientifiques sur le thème de l’orthorexie et des réseaux sociaux précédemment publiés. Tout d’abord, les auteurs ont examinés 249 articles qui traiter de ces deux thèmes : l’orthorexie et les réseaux sociaux. Les travaux des auteurs se basent sur 9 articles. Les auteurs gardent comme fil rouge le fait de répondre à la question suivante : « Comment se présente l’orthorexie sur les réseaux sociaux ? ».

Contexte

L’idée d’une alimentation considérait comme saine est un sujet important dans la société contemporaine. Il implique des réflexions sur la santé, l’environnement ou encore l’agriculture. La question de la santé est plus compliquée puisque sa définition varie selon le regard qui y est porté. L’alimentation est aujourd’hui devenu une part intégrante du processus de médicalisation. L’alimentation est en effet perçue sous l’angle de risques qui légitime ou non certaines pratiques alimentaires. La part « médicale » de l’alimentation devient unique et coupe l’alimentation de ses fondements sociaux et culturels.
D’un autre côté, les réseaux sociaux sont reconnus comme pouvant engendrer une perception déformé de la santé, du poids et envoyé des messages culpabilisant à propos de l’alimentation.
Ainsi, les réseaux sociaux majorent le risque de développer des problématiques dépressives, une tendance à la comparaison sociale et une image corporelle négative.

L’influence des réseaux sociaux

Les réseaux sociaux promeuvent l’alimentation et les pratiques sportives comme la possibilité de contrôler son corps et d’atteindre une perfection. Optimiser son apparence est proposé comme la clef du bonheur. C’est sur ce terrain que l’orthorexie se développe et apparaît sur les réseaux sociaux.
Par la suite, l’orthorexie apparaît sur la base d’une volonté de protection optimale de la santé. Les influenceurs indiquent également que la peur de l’alimentation et les symptômes orthorexiques sont normalisés par le discours sociétales et celui des autorités publiques. Pour les auteurs, cela se comprend sous l’angle de la médicalisation et du biopouvoir de M. Foucault. Cela signifie que le discours médical infiltre tellement la vie quotidienne qu’il devient une façon de « contrôler » les comportements individuels.

Cela s’appuie sur la perception de considérer l’intérêt pour sa santé comme une valeur morale. En ce sens, cela renforce les symptômes orthorexiques. Le discours proposé sur les réseaux sociaux, notamment le « fitinspiration », à savoir des phrases devant inspirer l’envie de pratique sportive et un bon état de santé. Ce type de discours promeut un idéal qui peut renforcer la culpabilité ressentie en cas de non respect de ces « mantras ».

Notre réflexion

Les auteurs soulignent avec intérêt comment les réseaux sociaux sont un vecteur communicationnel important à propos de l’orthorexie. Cette communication mettant en scène un discours précis, rapide et idéal déconnectée de la réalité. Les corps ou les repas ne s’inscrive que dans une optique de santé, renforçant des messages inquiétants et parfois culpabilisants. Les réseaux sociaux soutiennent avec force la médicalisation de la société, prenant ici appui sur l’alimentation.
En ce sens, ils sont un terreau fertile pour l’orthorexie.

Le point commun des troubles alimentaires ? S’auto-critiquer

Auteur : Brenna M.WilliamsCheri A.Levinson
Titre original : A model of self-criticism as a transdiagnostic mechanism of eating disorder comorbidity: A review
Date de publication : Avril 2022
Revue : New Ideas in Psychology
Langue originale : Anglais
Lien & DOI : https://doi.org/10.32872/cpe.8403

Contexte et but de l’article

Les auteurs s’intéressent aux commorbités associées aux troubles alimentaires : la dépression et les problématiques d’anxiété. Les auteurs proposent de considérer que l’auto-critique, dans son sens négatif (la dévaluation) est un mécanisme transdiagnostic de ces trois problématiques psychiatriques. Ils proposent ainsi un modèle de ce mécanisme, le considérant comme un des facteurs principaux de maintien de ces pathologies et de leur interaction.
Les auteurs cherchent en effet à identifier pourquoi la dépression et l’anxiété sont aussi fréquemment présentes lors de troubles alimentaires. Leur hypothèse est donc de considérer l’auto-critique comme le mécanisme expliquant cette association.

Le but est par la suite de proposer une réflexion sur une prise en charge thérapeutique accordant une place non négligeable à ces auto-critiques. Les auteurs soulignent la difficulté de prise en charge des troubles alimentaires et les résultats mitigés proposés par les thérapies actuelles. Ils postulent que s’intéresser aux mécanismes profonds de maintien des troubles alimentaires, l’auto-critique ici, serait une piste thérapeutique intéressante. Il s’appuie notamment sur le fait qu’une amélioration de ces auto-critiques a été reconnue comme favorisant l’évolution des troubles alimentaires (étude de Löw en 2020).

Méthodes

Il s’agit d’une revue de la littérature. Les auteurs vont donc analyser les différentes études traitant de l’auto-critique dans les troubles alimentaires, la dépression et l’anxiété. A l’appui de cette analyse, les auteurs proposent un modèle explicatif de l’auto-critique et de son rôle de maintien de troubles alimentaires, de la dépression et de l’anxiété.

Définir l’auto-critique

Tout d’abord, il s’agit de définir l’auto-critique. Il s’agit de critique sévère que le sujet s’impose à lui-même. Elle se base sur une poursuite de réussite et une attention très importantes concernant les erreurs. En cas d’échec perçu, le sujet renforce ses pensées dévalorisantes et s’impose de nouvelles contraintes. Les sujets considèrent souvent ce mécanisme comme permettant de progresser, de devenir une meilleure personne. Si l’auto-critique peut parfois être positive et permettre de s’adapter, un niveau trop important conduit la plupart du temps à des affects négatifs et au développement de symptômes psychopathologiques. C’est également un mécanisme lié au perfectionnisme, un aspect que l’on retrouve également dans de nombreuses psychopathologies.
Enfin, ce mécanisme freine le sujet dans la possibilité de développer des relations sereines ou une vie professionnelle et personnelle épanouissante.

Les connaissances actuelles sur l’auto-critique

Dans les troubles alimentaires

L’importance de l’auto-critique dans les troubles alimentaires est bien connue. De nombreuses études le soulignent (voir Fairburn). Les auto-critiques sont relieés aux injonctions liés au corps, au poids ou à la qualité de l’alimentation que s’impose le sujet. En effet, lorsque le sujet ne respecte pas les règles qu’il s’est imposées, c’est un regard dur et sévère qui s’abat sur lui. Ainsi, on retrouve de nombreux patients considérant qu’ils n’arriveront à rien s’ils n’arrivent déjà pas à manger comme ils le souhaitent ou comme tout le monde. Par ailleurs, ce mécanisme va venir renforcer les règles, contraintes et les attentes du sujet. Une boucle se met en place et maintien ainsi le trouble alimentaire.

Dans la dépression et les problématiques anxieuses

Concernant la dépression, ce mécanisme favorise lui aussi l’état dépressif. Dans la théorie cognitiviste de Beck, ce type de pensées va générer des affects négatifs qui renforcent les affects dépressifs.

Par rapport aux problématiques anxieuses, le mécanisme est également considéré comme un mécanisme de maintenant les troubles. En effet, toujours dans une optique cognitiviste, les fausses croyances envers soi-même qui vont venir générer et favoriser l’anxiété. Ainsi, se dévaluer rend de nombreuses situations quotidiennes angoissantes puisque le sujet se perçoit comme n’étant pas suffisamment capable d’y faire face.

Le modèle théorique de l’auto-critique proposé par les auteurs

Dans ce modèle, les auteurs considèrent l’auto-critique comme des pensées automatiques et des croyances qui amènent à la honte et ainsi maintiennent les troubles alimentaires et la dépression. On voit également l’interaction et le phénomène de boucle qui renforce le mécanisme et la psychopathologie.

La flèche rouge indique un postulat des auteurs, quand les deux autres sont soutenues par la littérature scientifique

Par cette proposition, les auteurs suggèrent également de penser les troubles alimentaires sur un modèle dimensionnel et non catégoriel.

Notre réflexion

Outre l’abord cognitiviste et la revue de ce caractère à travers les différentes pathologies, le fait de souligner l’influence et l’auto renforcement des critiques et du trouble est intéressant. La réflexion de porter la réflexion sur des mécanismes sous-jacents plus qu’uniquement sur les symptômes est intéressant également. Enfin, les auteurs soulignent le fait que ces auto-critiques apparaissent comme un outil pour les sujets, un outil pour se sentir mieux, même si cela échoue. Il nous semble important de pouvoir bien comprendre qu’il s’agit d’un moyen de défense du sujet. Ainsi, il ne sera pas aisé de lutter frontalement contre ces auto-critiques sans comprendre l’intérêt et la crainte du sujet de les perdre.

L’amour et la haine de la nourriture

Auteur : Giorgio Nardone
Date de publication : 2017
Editeur : Enrick B. Editions

L’auteur

Giorgio Nardone est un psychothérapeute italien, représentant du Mental Research Institute. Il est également un représentant du courant interactionniste et stratégique, lui-même issu de la fameuse école de Palo Alto. Il a été formé par Paul Watzlawick. Ses compétences et son travail sont de renommée internationale, même s’il reste peu connu en France. Il a particulièrement travaillé sur les problématiques obsessionnelles, mais également sur les troubles alimentaires.
Son approche théorique et technique, à l’instar de Watzlawick, est très intéressante et relativement surprenante par rapport à l’approche traditionnelle française.

Résumé et analyse

Le livre est un ouvrage présentant le référentiel théorique et épistémologique de l’interactionnisme et de la thérapie brève, suivi par une définition des troubles alimentaires majeurs (l’anorexie, boulimie et la proposition de considérer les vomissements comme un syndrome à part entière). La suite du livre propose des cas cliniques de chacune des pathologies et la technique/prise en charge proposée par l’auteur.

Si le titre est accrocheur et peut paraître un peu racoleur, ne nous y trompons pas, la base théorique et épistémologique de l’auteur est particulièrement solide. Elle n’est que peu développée dans ce livre, qui se veut accessible et relativement vulgarisateur. Cependant, les lecteurs qui voudraient en apprendre plus peuvent s’intéresser aux ouvrages Watzlawick, notamment « Une logique de la communication ». Pour autant, quelques mots sur le référentiel proposé par l’auteur.

Interactionnisme et thérapie brève

L’auteur s’appuie sur le référentiel interactionniste issu du courant systémique. Sans rentrer dans le détail, soulignons cependant que l’originalité de cette approche est de se centrer sur le processus, et non pas de construire une théorie causale explicative a priori.
Cet abord est relativement surprenant, puisque la psychanalyse et le cognitivisme, les deux courants majeurs en France, créent plutôt une théorie qui met en lumière une explication du trouble, en se basant sur certains mécanismes défaillants. L’auteur regrette ce type d’approche :

« Il est fréquent de constater que c’est le problème qui doit s’adapter à la solution et non à l’inverse comme cela semblerait logique. A l’évidence une telle approche conduit à la mise au point de techniques thérapeutiques qui pour leur grande majorité respectent la théorie du modèle dont elles sont originaires et non les caractéristiques et nécessités du trouble à traiter. »

G. Nardone

Ainsi, plus qu’expliquer le sens ou la genèse du trouble alimentaire, l’auteur propose de se concentrer sur les processus. Citons-le une fois encore :

« Disons-le autrement, il ne s’agit pas de se préoccuper de la formation d’un problème, mais de sa persistance. »

G. Nardone

Perspective thérapeutique

Un peu plus concrètement, l’auteur propose d’aborder frontalement le trouble alimentaire. En effet, pour lui, il s’agit de trouver un moyen rapide de pouvoir identifier et ainsi mettre en échec le processus qui entretient le trouble. Une fois ce processus modifié et le trouble « débloquer » , les composantes émotionnelles et relationnelles pourront être travaillés.

D’un côté, c’est un véritable positionnement stratégique que promeut l’auteur. D’ailleurs, il s’inscrit parle lui-même de stratégie et fait parfois usage de métaphores liées au duel.

La manière d’aborder le trouble et la communication entre la famille et le patient ou entre le thérapeute est le patient est au coeur de la proposition de Nardone. Pour l’auteur, de nombreuses techniques thérapeutiques se construisent sur une base rationnelle, or la plupart des troubles alimentaires ne sont pas rationnels. Ainsi, il ne peut y avoir de résultats positifs, la communication ne se faisant pas dans la même langue, si l’on peut dire. Globalement, il en est de même pour les proches du patient. Ils veulent aider, mais la plupart de leurs réactions sont inadaptées et contre-productives :

« Pour les proches le comportement de leur enfant est aussi insensé que bouleversant. Leurs tentatives d’intervention apparaissent vraiment raisonnables, mais elles sont inadaptées à l’irrationalité du problème. »

G. Nardone

Enfin, nous pourrions résumer la technique de Nardone, basée sur plusieurs procédés de communication par sa déclaration :

« La manoeuvre consiste en un délicat exercice de persuasion par l’intermédiaire duquel on conduit le patient à avoir peur de ce que jusqu’à maintenant il a dû utiliser précisément pour se protéger de la peur de perdre le contrôle. »

G. Nardone

Quelques situations cliniques

L’auteur va ainsi décrire quelques situations cliniques en décrivant son positionnement et la technique utilisée. Précisons tout d’abord que son objectif est de s’attaquer directement au trouble pour tenter de le modifier. Plus précisément, l’auteur propose à chaque fois quelque chose de surprenant, il crée la surprise auprès du patient ou de ses proches. Plus que de tenter de supprimer le symptôme de manière pur et simple, il s’agit plutôt de détourner l’attention, de modifier l’investissement du patient vers autre chose. La surprise crée une brèche qui permet au thérapeute d’aller sur un autre plan qu’uniquement le plan du symptôme.

Une autre caractéristique se dessine, Nardone est franc, très franc, quitte à perturber ses patients. Dans le même sens que proposé plus haut, cela entretient la surprise.

Il explique ainsi comment, dans le cas d’une boulimie, il demande à une patiente de contrôler le fait de manger davantage et pas de se limiter. Dans le cas d’une anorexie, il invite la mère de la patiente de conforter son enfant et lui disant qu’elle souhaite l’aider dans son anorexie et ainsi lui préparer des repas avec un mot « à vomir pour aujourd’hui ».

Tous les cas cliniques sont dans une certaine mesure déroutants, même pour le thérapeute.

Notre réflexion

La proposition de Nardone est particulièrement intéressante. D’une part, la base théorique et épistémologique est sérieuse et justifie ce type de positionnement. De plus, il y a eu une vraie volonté d’évaluation de ce type de techniques. Elles se présentent comme efficaces.
D’autre part, il permet de sortir du paradigme de la causalité linéaire et d’une explication théorique d’un trouble, ce qui peut se révéler parfois contre-productif dans une prise en charge.

Créer la surprise et proposer des petites techniques originales aux patients peut permettre une autre relation thérapeutique et pour eux, un autre abord de leur situation.

Dosons néanmoins, il est nécessaire de bien tenir compte de chaque situation et de chaque patient. Les propositions de Nardone peuvent parfois être trop directes ou difficiles à entendre de notre avis et ainsi être plus contre-productives qu’aidantes.

Mesurer l’orthorexie : deux études soutenant l’ORTO-R

Auteurs (1) : Gkiouras, K., Grammatikopoulou, M.G., Tsaliki, T. et al
Auteurs (2) : Rogoza, R., Mhanna, M., Gerges, S. et al.
Titre original (1): Orthorexia nervosa: replication and validation of the ORTO questionnaires translated into Greek in a survey of 848 Greek individuals
Titre original (2): Validation of the Arabic version of the ORTO-R among a sample of Lebanese young adults.
Date de publication : Janvier 2022 (1 et 2)
Revue : Hormones (1) / Eating and Weight disorders (2)
Langue originale : Anglais
Lien & DOI : https://doi.org/10.1007/s42000-022-00351-4 (1) / https://doi.org/10.1007/s40519-021-01350-x

But de l’article

Les deux articles ont pour but de traduire et d’adapter l’ORTO-R, le nouvel outil révisé pour diagnostiquer l’orthorexie, en langue grecque et arabe.
Ils visent également à faire passer l’ORTO-R à un échantillon important puis à établir un traitement statistique pour évaluer la pertinence de l’outil.
Ce type de recherche vient soutenir ou non les recherches précédentes sur l’outil et justifier ou non de son utilisation auprès d’une population nationale spécifique.

Méthodes

La recherche grecque va d’abord traduire puis traiter l’ORTO-15 (le test précédent sur lequel se base l’ORTO-R) pour ensuite passer spécifiquement aux six questions retenues par l’ORTO-R. Les auteurs réalisent ensuite une analyse factorielle confirmatoire pour évaluer la pertinence de l’outil.
Deux traducteurs s’occupent de la traduction. L’anglais et le grec sont leurs deux langues natales. Ils échangent ensuite leur proposition entre eux puis auprès des chercheurs.

La deuxième étude réalise une traduction de l’ORTO-R directement puis la compare à un autre outil, la TOS (Teruel Orthorexia Scale). Si les résultats sont similaires entre les deux outils, les auteurs pourront soutenir l’hypothèse que l’ORTO-R ainsi traduit est pertinent. Les auteurs regarderont également si les résultats de l’ORTO-R sont corrélés à certains aspects particuliers (dépression, anxiété et insatisfaction corporelle).

Les recherches se basent sur un échantillon conséquent : 848 pour l’étude grecque et 363 pour l’autre étude. Les participants avec un IMC faible ne sont pas exclus.

Résultats

Les deux études proposent des résultats statistiques soutenant la pertinence de l’ORTO-R.
L’étude en langue arabe indique que l’ORTO-R est corrélé à la dépression et à l’anxiété. L’étude grecque relève que les hommes seraient plus touchés et avec un IMC faible.

Notre réflexion

Les deux études soutiennent la pertinence de la version modifiée de l’ORTO-15, l’ORTO-R pour diagnostiquer l’orthorexie. Cependant, la question de l’IMC n’est pas envisagée, alors qu’elle pourrait être un élément central. Quel lien entre l’anorexie et l’orthorexie ? Le poids est-il un facteur discriminant ou non ? Si oui, de quelle manière ? L’aspect statistique prend le dessus pour valider l’outil, mais laisse de côté certaines questions centrales de l’orthorexie.

ORTO-R : L’ORTO-15 révisé pour diagnostiquer l’orthorexie

Auteurs : Rogoza, R., Donini, L.M
Titre original : Introducing ORTO-R: a revision of ORTO-15
Date de publication : Mai 2021
Revue : Eating and Weight disorders
Langue originale : Anglais
Lien & DOI : https://doi.org/10.1007/s40519-020-00924-5

But de l’article

L’article vise à retravailler l’outil diagnostic initial de l’orthorexie, l’ORTO-15. Ce sont d’ailleurs les auteurs ayant construit l’ORTO-15 qui propose une nouvelle analyse de l’outil basée sur les données récentes, ainsi que de nouveaux tests pour estimer sa pertinence.
L’ORTO-15 a été le premier outil à être traduit dans plusieurs langues et de nombreuses études de prévalence ont été réalisées grâce à lui.

Cependant, la valeur et la pertinence de l’outil paraissent faibles et la communauté scientifique a mis en lumière ses faibles qualités psychométriques.

Méthodes

Une analyse statistique factorielle confirmatoire* va être réalisée sur les données qui ont permis la construction de l’ORTO-15. Les auteurs vont ensuite se baser sur les méta analyses des différentes études portant sur l’ORTO-15 pour en retenir des points clefs et construire le nouvel outil. Ils considèrent que les résultats obtenus à partir de l’ORTO-15 sont valides et espèrent une corrélation entre les résultats du nouvel outil construit et résultats des études précédentes.
Les auteurs vont également se baser sur les travaux des principaux auteurs qui ont remis en question l’ORTO-15, permettant de voir si le nouvel outil répond à ces critiques.

* Type de traitement statistique qui vise à tester si ce qui constitue l’outil est pertinent pour évaluer ce qu’il veut évaluer. Exemple dans notre cas : est-ce que les questions posées sont pertinentes pour évaluer l’orthorexie.

Résultats

L’analyse factorielle révèle que plus de la moitié des questions proposées par l’ORTO-15 sont peu pertinentes. Elles seront donc supprimées. Les questions maintenues seront les autres qui se retrouvent d’ailleurs dans les méta analyses.

L’analyse statistique réalisée pour le nouvel outil est donne un résultat acceptable. Certains aspects peuvent cependant être améliorés ou discutés.
Les résultats du nouvel outil sont bien corrélés à l’ancien.

Enfin, le traitement statistique répond également aux objections principales réalisées par Missbach, leur auteur principal.

L’ORTO-R : plus que six items

La version modifiée et améliorée ne contient plus que six items (questions) pour évaluer l’orthorexie :

L’ORTO-R (traduction personnelle) :

  1. Est-ce que vos choix alimentaires restrictifs et rigides sont guidés par une crainte concernant votre santé ?
  2. Êtes-vous d’accord avec le fait que manger sainement augmente votre estime de vous-même?
  3. Croyez-vous que manger strictement des aliments sains peut améliorer votre apparence ?
  4. Lors des trois derniers mois, est-ce que des pensées liées à l’alimentation vous ont fait ressentir de la culpabilité, de la honte ou de l’anxiété ?
  5. Est-ce que penser à l’alimentation vous inquiète excessivement plus de trois heures par jour ?
  6. Est-ce que manger sainement change vos habitudes de vie (fréquence des repas à l’extérieur, des sorties entre amis…) ?

Notre réflexion

Le travail des auteurs est intéressant, puisqu’il vise à retravailler un outil utilisé produisant des résultats discutables. Les auteurs reconnaissent que cela avait un effet défavorable pour les recherches sur l’anorexie. Ils proposent également d’intégrer l’orthorexie dans le DSM, sous une forme dimensionnelle. Ils soulignent également l’intérêt et la nécessité d’une échelle et d’une distinction normal/pathologique. Dans un sens, l’ORTO-R apparaît ainsi comme un outil plus fiable pour évaluer l’orthorexie.

Cependant, il nous semble qu’une fois encore, la recherche se tourne trop vers un travail quantitatif. Le vécu des personnes orthorexiques reste peu travaillé et serait sans doute une aide précieuse pour affiner les outils.
Par ailleurs, malgré toute la rigueur statistique, certains éléments ne peuvent que demeurer arbitraires dans ce test. Pourquoi trois mois ou trois heures aux questions 4 et 5 ? La problématique majeure du poids, comme critère distinctif ou non de l’anorexie est également évacuée. En ce sens, il nous semble qu’une personne souffrant d’anorexie serait diagnostiquée orthorexique.

De notre point de vue, les critères qualitatifs proposés par Bratman & Dunn demeurent les plus pertinents à ce jour.