Le recours à des animaux en psychopathologie est un domaine nouveau et prometteur. On sait que les animaux peuvent permettre une médiation intéressante notamment auprès des populations d’enfants ou d’adolescents. Cette population est la plus touchée dans les troubles alimentaires.
Associer les animaux à une thérapie traditionnelle
Une méta analyse a examiné les résultats de 10 études, impliquant au total 177 participants atteints de troubles alimentaires.
Il s’agit d’évaluer ce qui est appelée thérapie de support par les animaux ou thérapie assistée par les animaux. Elle est définie comme une intervention qui utilise des animaux comme support thérapeutique et le plus souvent en conjonction avec d’autres formes de traitement, comme la TCC et l’ACT.
La thérapie assistée par les animaux consiste en des interactions directes avec les animaux, telles que des caresses, des promenades ou des activités de nourrissage. L’objectif est de fournir un soutien émotionnel et physique, voire même une distraction positive, pour aider les patients à mieux appréhender leurs symptômes et à améliorer leur sensation globale.
Les études analysées ont utilisé différentes espèces animales (chiens, chevaux, dauphins). Elles concernaient différents lieux (établissements de soins, cliniques spécialisées, et centres de traitement résidentiel).
Réduction de l’angoisse et des aspects dépressifs
Les résultats de la revue indiquent que l’utilisation de la thérapie assistée par les animaux peut être bénéfique dans le traitement des troubles alimentaires, tels que l’anorexie et la boulimie. Il y aurait notamment une réduction de l’anxiété, de la dépression ou du stress. Par ailleurs, il y aurait une augmentation de la qualité de vie et une plus forte adhésion à la prise en charge. Il y aurait également une augmentation de la confiance en soi et l’estime de soi. Le lien avec le thérapeute se verrait également renforcé.
Il faut cependant rester prudent, bien que les résultats soient prometteurs, les échantillons sont souvent de petite taille et il n’y a pas toujours de groupe contrôle.
Ainsi il semble pour autant que la médiation animale puisse être considérée comme une intervention complémentaire intéressante dans le traitement des troubles alimentaires.
Informations concernant l’article
Auteur : Molly W. Fennig , Elise Weber , Bolade Santos , Ellen E. Fitzsimmons-Craft , Denise E. Wilfley Titre original : Animal-assisted therapy in eating disorder treatment: A systematic review Date de publication : Décembre 2022 Revue : Eating Behaviors Langue originale : Anglais Lien & DOI : https://doi.org/10.1016/j.eatbeh.2022.101673
Auteur : L. Heywood, J. Conti & P. Hay Titre original : a systematic synthesis of narrative therapy treatment components for the treatment of eating disorders Date de publication : Septembre 2022 Revue : Journal of Eating disorders Langue originale : Anglais Lien & DOI : https://doi.org/10.1186/s40337-022-00635-5
But de l’article
Il s’agit d’explorer si les thérapies narratives, peu développées et étudiées peuvent présenter un intérêt pour la prise en charge des troubles alimentaires. Elles pourraient être des approches utiles et complémentaires aux autres techniques thérapeutiques.
Méthode
Il s’agit d’une revue de la littérature, d’une analyse d’articles scientifiques déjà publiés sur les thérapies narratives auprès des troubles alimentaires.
Contexte
Si aujourd’hui plusieurs thérapies se révèlent avoir des effets intéressants dans les troubles alimentaires, aucune n’est efficace pour chacun des troubles. La recherche met également en avant un élément fondamental propre au trouble alimentaire, son côté identitaire. Les troubles alimentaires sont perçus comme une part de l’identité du patient. Ceci explique notamment que bon nombre de patients hésitent à démarrer une prise en charge ou que le trouble alimentaire perdure, il constitue une part de l’identité du patient qu’il est difficile de faire évoluer.
Les thérapies narratives se concentrant sur la dimension identitaire et sur l’histoire vécue du patient pourraient ainsi être prometteuses.
Les thérapies narratives
Elles ont été développées par M. White et D. Epson. Il s’agit de déconstruire l’histoire du problème, pour l’externaliser, en faire un problème non plus « collé » à soi-même, mais extérieur à soi, pour l’aborder avec un autre regard. Il faut séparer le problème de la personne, amenant la proposition suivante : « Le problème c’est le problème ». Les thérapies narratives proposent ensuite d’explorer comment le trouble s’inscrit dans l’histoire et prend sens dans l’identité du patient. L’idée principale de ces thérapies est de considérer que l’identité d’une personne prend la forme d’une histoire, c’est cette histoire qui guide les pensées, les ressentis et les actions de sa vie.
Un des points clefs des thérapies narratives est de mettre à jour les « histoires cachées » qui entretiennent des scénarios douloureux pour le patient et qui lui échappent. C’est notamment le cas dans les troubles alimentaires. Changer l’interprétation de sa propre histoire permettrait de trouver de mieux vivre sa situation, de mieux se comprendre et ainsi de faire apparaître de nouvelles solutions. Le patient est placé au centre de la thérapie et il est l’expert de sa situation, le thérapeute est là pour l’accompagner à trouver ses propres solutions.
Résultats
Les études relatives à la prise en charge des troubles alimentaires démontrent de bons résultats concernant tant les symptômes que sur le ressenti du patient. C’est également la position du thérapeute et le processus thérapeutique qui, en plaçant le patient comme expert de sa situation, démontrent un intérêt certain.
Notre réflexion
L’intérêt des thérapies narratives peut être d’offrir un décalage sur le symptôme pendant la prise en charge. On sait à quel point les troubles alimentaires prennent toue la place dans la vie du sujet. Il est difficile de trouver une manière d’aborder les autres domaines de vie et de se re rapprocher de ce qui est vraiment important pour le patient. Le trouble alimentaire, souvent affronté de manière directe se renforce finalement. La prise de distance offerte par les thérapies narratives peut être salvatrice et débloquer des situations parfois enkystées depuis longtemps.
Auteur :Costa, M. F., Prado, S. D., & Carvalho, M. C. D. V. S. Titre original : Orthorexia in social media: reflections between health and disease Date de publication : Mai 2022 Revue : Saúde e Sociedade Langue originale : Anglais & Portugais Lien & DOI : https://doi.org/10.1590/S0104-12902022210760en
But de l’article
Les auteurs souhaitent explorer comment les réseaux sociaux influencent l’orthorexie. Il s’agit d’explorer comment ces derniers véhiculent de normes alimentaires et des normes de santé, en se basant sur la pensée de Canghuilhem et de Foucault.
Méthode
Il s’agit d’une analyse d’articles scientifiques sur le thème de l’orthorexie et des réseaux sociaux précédemment publiés. Tout d’abord, les auteurs ont examinés 249 articles qui traiter de ces deux thèmes : l’orthorexie et les réseaux sociaux. Les travaux des auteurs se basent sur 9 articles. Les auteurs gardent comme fil rouge le fait de répondre à la question suivante : « Comment se présente l’orthorexie sur les réseaux sociaux ? ».
Contexte
L’idée d’une alimentation considérait comme saine est un sujet important dans la société contemporaine. Il implique des réflexions sur la santé, l’environnement ou encore l’agriculture. La question de la santé est plus compliquée puisque sa définition varie selon le regard qui y est porté. L’alimentation est aujourd’hui devenu une part intégrante du processus de médicalisation. L’alimentation est en effet perçue sous l’angle de risques qui légitime ou non certaines pratiques alimentaires. La part « médicale » de l’alimentation devient unique et coupe l’alimentation de ses fondements sociaux et culturels. D’un autre côté, les réseaux sociaux sont reconnus comme pouvant engendrer une perception déformé de la santé, du poids et envoyé des messages culpabilisant à propos de l’alimentation. Ainsi, les réseaux sociaux majorent le risque de développer des problématiques dépressives, une tendance à la comparaison sociale et une image corporelle négative.
L’influence des réseaux sociaux
Les réseaux sociaux promeuvent l’alimentation et les pratiques sportives comme la possibilité de contrôler son corps et d’atteindre une perfection. Optimiser son apparence est proposé comme la clef du bonheur. C’est sur ce terrain que l’orthorexie se développe et apparaît sur les réseaux sociaux. Par la suite, l’orthorexie apparaît sur la base d’une volonté de protection optimale de la santé. Les influenceurs indiquent également que la peur de l’alimentation et les symptômes orthorexiques sont normalisés par le discours sociétales et celui des autorités publiques. Pour les auteurs, cela se comprend sous l’angle de la médicalisation et du biopouvoir de M. Foucault. Cela signifie que le discours médical infiltre tellement la vie quotidienne qu’il devient une façon de « contrôler » les comportements individuels.
Cela s’appuie sur la perception de considérer l’intérêt pour sa santé comme une valeur morale. En ce sens, cela renforce les symptômes orthorexiques. Le discours proposé sur les réseaux sociaux, notamment le « fitinspiration », à savoir des phrases devant inspirer l’envie de pratique sportive et un bon état de santé. Ce type de discours promeut un idéal qui peut renforcer la culpabilité ressentie en cas de non respect de ces « mantras ».
Notre réflexion
Les auteurs soulignent avec intérêt comment les réseaux sociaux sont un vecteur communicationnel important à propos de l’orthorexie. Cette communication mettant en scène un discours précis, rapide et idéal déconnectée de la réalité. Les corps ou les repas ne s’inscrive que dans une optique de santé, renforçant des messages inquiétants et parfois culpabilisants. Les réseaux sociaux soutiennent avec force la médicalisation de la société, prenant ici appui sur l’alimentation. En ce sens, ils sont un terreau fertile pour l’orthorexie.
Auteur : Brenna M.WilliamsCheri A.Levinson Titre original : A model of self-criticism as a transdiagnostic mechanism of eating disorder comorbidity: A review Date de publication : Avril 2022 Revue : New Ideas in Psychology Langue originale : Anglais Lien & DOI : https://doi.org/10.32872/cpe.8403
Contexte et but de l’article
Les auteurs s’intéressent aux commorbités associées aux troubles alimentaires : la dépression et les problématiques d’anxiété. Les auteurs proposent de considérer que l’auto-critique, dans son sens négatif (la dévaluation) est un mécanisme transdiagnostic de ces trois problématiques psychiatriques. Ils proposent ainsi un modèle de ce mécanisme, le considérant comme un des facteurs principaux de maintien de ces pathologies et de leur interaction. Les auteurs cherchent en effet à identifier pourquoi la dépression et l’anxiété sont aussi fréquemment présentes lors de troubles alimentaires. Leur hypothèse est donc de considérer l’auto-critique comme le mécanisme expliquant cette association.
Le but est par la suite de proposer une réflexion sur une prise en charge thérapeutique accordant une place non négligeable à ces auto-critiques. Les auteurs soulignent la difficulté de prise en charge des troubles alimentaires et les résultats mitigés proposés par les thérapies actuelles. Ils postulent que s’intéresser aux mécanismes profonds de maintien des troubles alimentaires, l’auto-critique ici, serait une piste thérapeutique intéressante. Il s’appuie notamment sur le fait qu’une amélioration de ces auto-critiques a été reconnue comme favorisant l’évolution des troubles alimentaires (étude de Löw en 2020).
Méthodes
Il s’agit d’une revue de la littérature. Les auteurs vont donc analyser les différentes études traitant de l’auto-critique dans les troubles alimentaires, la dépression et l’anxiété. A l’appui de cette analyse, les auteurs proposent un modèle explicatif de l’auto-critique et de son rôle de maintien de troubles alimentaires, de la dépression et de l’anxiété.
Définir l’auto-critique
Tout d’abord, il s’agit de définir l’auto-critique. Il s’agit de critique sévère que le sujet s’impose à lui-même. Elle se base sur une poursuite de réussite et une attention très importantes concernant les erreurs. En cas d’échec perçu, le sujet renforce ses pensées dévalorisantes et s’impose de nouvelles contraintes. Les sujets considèrent souvent ce mécanisme comme permettant de progresser, de devenir une meilleure personne. Si l’auto-critique peut parfois être positive et permettre de s’adapter, un niveau trop important conduit la plupart du temps à des affects négatifs et au développement de symptômes psychopathologiques. C’est également un mécanisme lié au perfectionnisme, un aspect que l’on retrouve également dans de nombreuses psychopathologies. Enfin, ce mécanisme freine le sujet dans la possibilité de développer des relations sereines ou une vie professionnelle et personnelle épanouissante.
Les connaissances actuelles sur l’auto-critique
Dans les troubles alimentaires
L’importance de l’auto-critique dans les troubles alimentaires est bien connue. De nombreuses études le soulignent (voir Fairburn). Les auto-critiques sont relieés aux injonctions liés au corps, au poids ou à la qualité de l’alimentation que s’impose le sujet. En effet, lorsque le sujet ne respecte pas les règles qu’il s’est imposées, c’est un regard dur et sévère qui s’abat sur lui. Ainsi, on retrouve de nombreux patients considérant qu’ils n’arriveront à rien s’ils n’arrivent déjà pas à manger comme ils le souhaitent ou comme tout le monde. Par ailleurs, ce mécanisme va venir renforcer les règles, contraintes et les attentes du sujet. Une boucle se met en place et maintien ainsi le trouble alimentaire.
Dans la dépression et les problématiques anxieuses
Concernant la dépression, ce mécanisme favorise lui aussi l’état dépressif. Dans la théorie cognitiviste de Beck, ce type de pensées va générer des affects négatifs qui renforcent les affects dépressifs.
Par rapport aux problématiques anxieuses, le mécanisme est également considéré comme un mécanisme de maintenant les troubles. En effet, toujours dans une optique cognitiviste, les fausses croyances envers soi-même qui vont venir générer et favoriser l’anxiété. Ainsi, se dévaluer rend de nombreuses situations quotidiennes angoissantes puisque le sujet se perçoit comme n’étant pas suffisamment capable d’y faire face.
Le modèle théorique de l’auto-critique proposé par les auteurs
Dans ce modèle, les auteurs considèrent l’auto-critique comme des pensées automatiques et des croyances qui amènent à la honte et ainsi maintiennent les troubles alimentaires et la dépression. On voit également l’interaction et le phénomène de boucle qui renforce le mécanisme et la psychopathologie.
La flèche rouge indique un postulat des auteurs, quand les deux autres sont soutenues par la littérature scientifique
Par cette proposition, les auteurs suggèrent également de penser les troubles alimentaires sur un modèle dimensionnel et non catégoriel.
Notre réflexion
Outre l’abord cognitiviste et la revue de ce caractère à travers les différentes pathologies, le fait de souligner l’influence et l’auto renforcement des critiques et du trouble est intéressant. La réflexion de porter la réflexion sur des mécanismes sous-jacents plus qu’uniquement sur les symptômes est intéressant également. Enfin, les auteurs soulignent le fait que ces auto-critiques apparaissent comme un outil pour les sujets, un outil pour se sentir mieux, même si cela échoue. Il nous semble important de pouvoir bien comprendre qu’il s’agit d’un moyen de défense du sujet. Ainsi, il ne sera pas aisé de lutter frontalement contre ces auto-critiques sans comprendre l’intérêt et la crainte du sujet de les perdre.
Auteur : Hofmann, S. G., Barber, J. P., Salkovskis, P., Wampold, B. E., Rief, W., Ewen, A. C. I., & Schäfer, L. N. Titre original : What Is the Common Ground for Modern Psychotherapy? A Discussion Paper Based on EACLIPT’s 1st Webinar Date de publication : Mars 2022 Revue : Clinical Psychology in Europe Langue originale : Anglais Lien & DOI : https://doi.org/10.32872/cpe.8403
Contexte et but de l’article
Cet article se base sur une discussion suite à conférence en ligne traitant des points communs fondamentaux des psychothérapies actuelles. Il est paru dans le journal de référence de psychologie clinique en Europe. L’objectif est de mettre à jour les aspects fondamentaux qui traversent les différents types de psychothérapies pour favoriser la prise en charge du patient, le dialogue entre les thérapeutes ainsi que la formation des futurs cliniciens.
Constats
Les auteurs réalisent plusieurs constats. En premier lieu, la psychologie clinique est aujourd’hui un regroupement de méthodes et de position diverses qui ont du mal se regrouper et se formaliser en tant que champ disciplinaire cohérent. Par ailleurs, l’évaluation des différentes techniques thérapeutiques semble atteindre ses limites. Les auteurs relèvent le fait qu’il est à présent nécessaire de se concentrer davantage sur le processus et sur le problème amené par le patient que sur une technique ou un modèle spécifique.
L’objectif est de trouver un terrain commun sur lequel se basent les différentes écoles, pour favoriser la compréhension du processus thérapeutique.
Ainsi, la formation des futurs cliniciens gagnerait à ne pas se baser sur une école particulière, mais à intégrer un tronc commun de compétences issues de diverses approches.
De plus, les cliniciens se basent aujourd’hui majoritairement sur une approche liée aux troubles (catégories DSM par exemple) plus que sur le patient en lui-même et sur les processus de changement. Cependant, ce modèle se voulant objectif, il se base sur un aspect subjectif, l’expression et le ressenti du patient. Il serait ainsi plus intéressant de s’intéresser à la relation thérapeutique, à la plainte formulée par le patient et à ses caractéristiques psychologiques, plus qu’à la volonté de trouver un modèle psychopathologique dans lequel le patient s’inscrirait.
Par ailleurs, les auteurs notent que cette ultra focalisation sur une pathologie amènent la création de multiples nouvelles formes de thérapies ou techniques qui se réfèrent en réalité et parfois sans le savoir sur les quatre ou cinq grandes approches traditionnelles.
L’approche basée sur le processus comme illustration
Un des auteurs principaux, Hoffman, propose de décrire quelques grandes lignes de l’approche basée sur le processus (PBT) pour illustrer cette perspective. Dans cette perspective, la thérapie est perçue comme un processus complexe incluant de nombreux aspects différents.
En premier lieu, le point de vue sur le patient, sa souffrance ou encore la thérapie change. Il s’agit selon l’auteur de passer d’une approche nomothétique à une approche idiographique. Plus clairement, la première vise à tirer des lois générales pour comprendre l’individuel, la seconde se base au contraire sur une description et un approfondissement minutieux de l’individuel. D’un autre côté, l’auteur propose une compréhension plus large, en se basant sur le modèle biopsychosocial (interaction des facteurs biologiques, psychologiques et sociaux) pour aborder le patient et la thérapie. Enfin, il propose de ne pas uniquement se baser sur la volonté de réduire les symptômes, mais également de favoriser l’épanouissement du patient.
Pour l’auteur, certains processus se révèlent très précieux mais sont cependant secondaires quelle que soit l’école choisie par le thérapeute (ex : l’acceptation, la possibilité d’adaptation, le sentiment d’efficacité…).
Le cadre de compréhension est un cadre se référant à l’évolutionnisme. C’est-à-dire que la pathologique ou la difficulté apparaît comme une adaptation à un contexte. L’idée est alors d’identifier ce qui a changé dans le contexte, de trouver une solution d’adaptation plus intéressante pour le patient et de la faire perdurer. Les auteurs considèrent que cette perspective ouvrirait la voie à un traitement expérimental prédictif.
Conclusion
Les auteurs soulignent l’importance de se baser sur la demande et le ressenti du patient plus que sur la question diagnostique et nosographique. Par ce biais, l’approche est ainsi plus souple et permet d’envisager pour le clinicien d’autres angles de compréhension de la situation. Globalement, la question de l’évaluation des thérapies se pose, avec les difficultés méthodologiques connues. La proposition de la PBT ne constitue pas une nouvelle approche en tant que telle avec de nouveaux concepts, mais décale la perspective thérapeutique au niveau du processus et ce qui permet d’aider le patient à aller vers un changement. En ce sens, la question de la relation thérapeutique est centrale et constitue un élément incontournable de toute approche et toute modélisation.
Notre réflexion
A un niveau européen, une vraie réflexion sur ce qu’est une thérapie et comment l’envisager se pose. En France, la situation est plus compliquée à cause des rivalités profondes entres le différentes écoles. Le débat ne peut que difficilement s’ouvrir sur la réflexion de fondements et de terrain communs à toute approche. En dehors de la proposition de formalisation par la PBT, la réflexion sur le processus davantage que sur la technique ainsi que la focalisation sur la parole du patient plus que sur le modèle et ainsi sur le particulier plus que sur le général nous paraît fondamentale et particulièrement intéressante. Il nous semble y voir ici des échos avec certaines propositions plus anciennes, notamment celle de la phénoménologie ainsi que de l’approche existentielle. Promouvoir un meilleur dialogue entre les thérapeutes ne peut être qu’une bonne idée. Remettre le patient au centre de la pensée clinique également.
Auteur : Trish Sherwood Titre original : Client experience in psychotherapy : what heals and what harms? Date de publication : Septembre 2001 Revue : Indo-Pacific Journal of Phenomenology Langue originale : Anglais Lien & DOI : https://journals.co.za/doi/pdf/10.10520/AJA14457377_81
But de l’article
L’article vise à mieux comprendre l’expérience du patient dans une psychothérapie. Il est vrai que les professionnels se basent surtout sur leurs propres bases théoriques. Quel que soit le référentiel utilisé, il s’agit surtout de s’intéresser à des éléments majoritairement discutés entre professionnels. La plupart des techniques, lorsqu’elles sont expérimentées, testées ou évaluées dans le cadre d’étude, ne laissent que peu la parole aux patients. Il s’agit de professionnels qui observeront si leurs propres critères de départ sont remplis ou non.
Lorsque le patient est consulté, il doit la plupart du temps remplir un questionnaire déjà construit et donc orienté.
L’article vise ainsi à mieux comprendre l’expérience des patients lors de consultations thérapeutiques en leur laissant la parole, en les laissant clairement indiquer ce qui pour eux a été une aide ou à l’inverse un obstacle.
Méthode
L’auteur s’appuie sur la méthode phénoménologique pour comprendre le coeur de l’expérience vécue par les patients. Concrètement, l’auteur va interviewer les participants. Il se base sur un entretien semi-directif : de grandes questions centrales orientent l’entretien mais le participant reste libre de s’en éloigner et de parler de ce qu’il souhaite.
Les patients sélectionnés ne sont plus actuellement en thérapie, ils sont tous âgés de plus de 21 ans (âge de la majorité dans le pays en question, l’Australie) et ont suivi au moins 5 consultations. En outre, il n’y a pas de critères particuliers concernant le référentiel ou la technique utilisée.
Au final, 2 hommes et 6 femmes constituent l’échantillon de l’étude. Les participants rencontrent deux fois l’auteur de l’étude. La première fois, il s’agit d’une première rencontre expliquant comment se passera l’entretien. La seconde fois concerne l’entretien en tant que tel.
Les grandes questions/thèmes de l’entretien sont les suivants :
Raconter votre expérience de la thérapie
Est-ce que le thérapeute a influencé cette expérience ? Si oui comment ?
Quels sont les aspects qui vous ont été le plus bénéfiques et ceux qui l’ont été le moins ?
Y a-t-il n’importe quelle autre chose que vous avez envie de rajouter à propos de cette expérience ?
Résultats
Ce qui aident les patients
1- Les patients attendent que le thérapeute puisse les inviter en toute sécurité à exprimer leurs expériences et ressentis les plus profonds
Le thérapeute fait sentir le patient en confiance, dans une atmosphère calme et soutenante. Le patient se sent totalement écouté et compris par le thérapeute. La présence véritable du thérapeute, le temps qu’il prend, la stabilité qu’il apporte dans son écoute et dans ses rendez-vous. La qualité de l’espace ouvert par le thérapeute est essentielle pour les patients.
2- Ils souhaitent une vraie rencontre avec le thérapeute et que celui-ci soit honnête
Les patients attendent un thérapeute authentique, un humain qui peut lui aussi ressentir de la douleur et de la peine, qui peut ainsi les comprendre. Ils ne souhaitent pas un thérapeute qui joue un rôle ou qui essaie de les influencer. La sincérité est essentielle pour les patients :
Je ne veux pas que le thérapeute soit neutre.. J’attends qu’il ait une éthique, des valeurs. Je ne veux pas qu’il soit vide pendant que je m’assois me parle à moi-même… J’attends qu’il soit complètement vivant et attentif et impliqué, utilisant ses compétences, son génie, sa personnalité et sa créativité.
Citation d’un des participants de l’étude
3- Les patients ont besoin que le thérapeute se concentre sur leurs préoccupations
Le thérapeute doit laisser son propre bagage personnel en dehors de l’espace de consultation. Les patients veulent sentir que tout l’espace de consultation leur est complètement dédié.
4- La relation thérapeutique doit être au service de leur développement personnel
Les patients souhaitent que les bénéfices qui émergent dans la relation thérapeutique durent au-delà de la fin du suivi. La part cathartique de la prise en charge est ici soulignée.
Ce qui les blesse ou constitue un obstacle
1- Lorsque le patient a la sensation que le thérapeute l’abandonne seul face à ses expériences douloureuses
Lorsque le thérapeute se limite uniquement à sa technique, de manière déshumanisée. Les patients se sentent meurtris et abandonnés lorsque le thérapeute ne réagit pas ou peu quand ils évoquent leur douleur.
Il était froid et il essayait de répondre à mon problème avec des idées préconçues sur qui je suis et ce que je pensais mais en réalité il n’avait aucune idée sur qui j’étais et ce qu’il se passait pour moi
Citation d’une participante de l’étude
2- Lorsque le thérapeute semble être inauthentique
3- Quand le thérapeute impose sa propre personnalité/histoire aux patients
Il est question ici des projections de la part du thérapeute, du fait que sa propre histoire ou que son propre égo prennent le dessus.
4- L’expérience d’un thérapeute qui semble diminuer leur confiance en eux et qui déprécie leurs mécanismes de défense
Les patients font ressortir une attitude de jugement qui les empêche de parler, de s’investir dans la thérapie. Ces jugements leur crée également de la culpabilité dans leur vie quotidienne, ayant la sensation de toujours mal faire.
Notre réflexion
Cette étude met en lumière et rejoint les quelques autres études sur l’expérience des patients ainsi que les conclusions sur l’efficacité des psychothérapies. Nous pouvons bien constater que la relation thérapeutique est centrale. Bien que les questions de l’entretien soient orientées sur le thérapeute, nous voyons bien que la technique est secondaire. Face au mythe du thérapeute « neutre », cette étude souligne l’importance du caractère empathique et de l’affirmation de sa personnalité. Cependant, il s’agit de ne pas tomber non plus dans « trop de personnalité », puisque nous voyons que le risque est de parler trop de soi, que le thérapeute prenne la place qui est normalement dévolue au patient.
Auteurs (1) : Gkiouras, K., Grammatikopoulou, M.G., Tsaliki, T. et al Auteurs (2) : Rogoza, R., Mhanna, M., Gerges, S. et al. Titre original (1): Orthorexia nervosa: replication and validation of the ORTO questionnaires translated into Greek in a survey of 848 Greek individuals Titre original (2): Validation of the Arabic version of the ORTO-R among a sample of Lebanese young adults. Date de publication : Janvier 2022 (1 et 2) Revue : Hormones (1) / Eating and Weight disorders (2) Langue originale : Anglais Lien & DOI : https://doi.org/10.1007/s42000-022-00351-4 (1) / https://doi.org/10.1007/s40519-021-01350-x
But de l’article
Les deux articles ont pour but de traduire et d’adapter l’ORTO-R, le nouvel outil révisé pour diagnostiquer l’orthorexie, en langue grecque et arabe. Ils visent également à faire passer l’ORTO-R à un échantillon important puis à établir un traitement statistique pour évaluer la pertinence de l’outil. Ce type de recherche vient soutenir ou non les recherches précédentes sur l’outil et justifier ou non de son utilisation auprès d’une population nationale spécifique.
Méthodes
La recherche grecque va d’abord traduire puis traiter l’ORTO-15 (le test précédent sur lequel se base l’ORTO-R) pour ensuite passer spécifiquement aux six questions retenues par l’ORTO-R. Les auteurs réalisent ensuite une analyse factorielle confirmatoire pour évaluer la pertinence de l’outil. Deux traducteurs s’occupent de la traduction. L’anglais et le grec sont leurs deux langues natales. Ils échangent ensuite leur proposition entre eux puis auprès des chercheurs.
La deuxième étude réalise une traduction de l’ORTO-R directement puis la compare à un autre outil, la TOS (Teruel Orthorexia Scale). Si les résultats sont similaires entre les deux outils, les auteurs pourront soutenir l’hypothèse que l’ORTO-R ainsi traduit est pertinent. Les auteurs regarderont également si les résultats de l’ORTO-R sont corrélés à certains aspects particuliers (dépression, anxiété et insatisfaction corporelle).
Les recherches se basent sur un échantillon conséquent : 848 pour l’étude grecque et 363 pour l’autre étude. Les participants avec un IMC faible ne sont pas exclus.
Résultats
Les deux études proposent des résultats statistiques soutenant la pertinence de l’ORTO-R. L’étude en langue arabe indique que l’ORTO-R est corrélé à la dépression et à l’anxiété. L’étude grecque relève que les hommes seraient plus touchés et avec un IMC faible.
Notre réflexion
Les deux études soutiennent la pertinence de la version modifiée de l’ORTO-15, l’ORTO-R pour diagnostiquer l’orthorexie. Cependant, la question de l’IMC n’est pas envisagée, alors qu’elle pourrait être un élément central. Quel lien entre l’anorexie et l’orthorexie ? Le poids est-il un facteur discriminant ou non ? Si oui, de quelle manière ? L’aspect statistique prend le dessus pour valider l’outil, mais laisse de côté certaines questions centrales de l’orthorexie.
Auteurs : Rogoza, R., Donini, L.M Titre original : Introducing ORTO-R: a revision of ORTO-15 Date de publication : Mai 2021 Revue : Eating and Weight disorders Langue originale : Anglais Lien & DOI : https://doi.org/10.1007/s40519-020-00924-5
But de l’article
L’article vise à retravailler l’outil diagnostic initial de l’orthorexie, l’ORTO-15. Ce sont d’ailleurs les auteurs ayant construit l’ORTO-15 qui propose une nouvelle analyse de l’outil basée sur les données récentes, ainsi que de nouveaux tests pour estimer sa pertinence. L’ORTO-15 a été le premier outil à être traduit dans plusieurs langues et de nombreuses études de prévalence ont été réalisées grâce à lui.
Cependant, la valeur et la pertinence de l’outil paraissent faibles et la communauté scientifique a mis en lumière ses faibles qualités psychométriques.
Méthodes
Une analyse statistique factorielle confirmatoire* va être réalisée sur les données qui ont permis la construction de l’ORTO-15. Les auteurs vont ensuite se baser sur les méta analyses des différentes études portant sur l’ORTO-15 pour en retenir des points clefs et construire le nouvel outil. Ils considèrent que les résultats obtenus à partir de l’ORTO-15 sont valides et espèrent une corrélation entre les résultats du nouvel outil construit et résultats des études précédentes. Les auteurs vont également se baser sur les travaux des principaux auteurs qui ont remis en question l’ORTO-15, permettant de voir si le nouvel outil répond à ces critiques.
* Type de traitement statistique qui vise à tester si ce qui constitue l’outil est pertinent pour évaluer ce qu’il veut évaluer. Exemple dans notre cas : est-ce que les questions posées sont pertinentes pour évaluer l’orthorexie.
Résultats
L’analyse factorielle révèle que plus de la moitié des questions proposées par l’ORTO-15 sont peu pertinentes. Elles seront donc supprimées. Les questions maintenues seront les autres qui se retrouvent d’ailleurs dans les méta analyses.
L’analyse statistique réalisée pour le nouvel outil est donne un résultat acceptable. Certains aspects peuvent cependant être améliorés ou discutés. Les résultats du nouvel outil sont bien corrélés à l’ancien.
La version modifiée et améliorée ne contient plus que six items (questions) pour évaluer l’orthorexie :
L’ORTO-R (traduction personnelle) :
Est-ce que vos choix alimentaires restrictifs et rigides sont guidés par une crainte concernant votre santé ?
Êtes-vous d’accord avec le fait que manger sainement augmente votre estime de vous-même?
Croyez-vous que manger strictement des aliments sains peut améliorer votre apparence ?
Lors des trois derniers mois, est-ce que des pensées liées à l’alimentation vous ont fait ressentir de la culpabilité, de la honte ou de l’anxiété ?
Est-ce que penser à l’alimentation vous inquiète excessivement plus de trois heures par jour ?
Est-ce que manger sainement change vos habitudes de vie (fréquence des repas à l’extérieur, des sorties entre amis…) ?
Notre réflexion
Le travail des auteurs est intéressant, puisqu’il vise à retravailler un outil utilisé produisant des résultats discutables. Les auteurs reconnaissent que cela avait un effet défavorable pour les recherches sur l’anorexie. Ils proposent également d’intégrer l’orthorexie dans le DSM, sous une forme dimensionnelle. Ils soulignent également l’intérêt et la nécessité d’une échelle et d’une distinction normal/pathologique. Dans un sens, l’ORTO-R apparaît ainsi comme un outil plus fiable pour évaluer l’orthorexie.
Cependant, il nous semble qu’une fois encore, la recherche se tourne trop vers un travail quantitatif. Le vécu des personnes orthorexiques reste peu travaillé et serait sans doute une aide précieuse pour affiner les outils. Par ailleurs, malgré toute la rigueur statistique, certains éléments ne peuvent que demeurer arbitraires dans ce test. Pourquoi trois mois ou trois heures aux questions 4 et 5 ? La problématique majeure du poids, comme critère distinctif ou non de l’anorexie est également évacuée. En ce sens, il nous semble qu’une personne souffrant d’anorexie serait diagnostiquée orthorexique.
Auteurs : S Thiebaut, F Millaud, P Lemaire, A Ryst, C Girod, M Seneque, K Dupuis-Maurin, N Sahuc, P Courtet, S Guillaume Titre original : Faisabilité d’un groupe de psychoéducation dans l’anorexie : une étude ouverte Date de publication : 05 Juillet 2021 Revue : L’Encéphale Langue originale : Français Lien & DOI : https://doi.org/10.1016/j.encep.2021.03.007
But de l’article
L’article vise à expérimenter la possibilité et l’intérêt d’une mise en place d’un programme de psychoéducation auprès d’une population souffrant d’anorexie mentale. Les études actuelles sont peu nombreuses sur le sujet, mais certaines suggèrent une amélioration des symptômes.
Expérience et méthode
Des patientes prises en charge pour anorexie mentale ont été sollicitées pour participer à des groupes de psychoéducation, elles bénéficiaient en parallèle d’une prise en charge psychiatrique et nutritionnelle. Les participantes étaient volontaires, toutes de sexe féminin et ayant un état global leur permettant de suivre le groupe.
Il s’agissait d’un groupe d’1h30 chaque semaine pendant 8 semaines. Deux thérapeutes co-animer le groupe. Le total des participantes s’élevait à 27.
Un évaluateur extérieur réaliser des entretiens avec les participantes avant le groupe, à la fin du groupe et 3 mois après. Il s’agissait d’un entretien libre pour recueillir le ressenti des participantes, mais aussi la passation de test standardisé (EDE-Q, ANSOCQ ou encore le Questionnaire abrégé de Beck).
Le contenu des séances de psychoéducation
Chaque séance commençait par un accueil, une relaxation et un retour sur les tâches qui avaient été demandées de réaliser à domicile à la séance précédente. Puis la présentation du thème de la séance suivi d’un exercice à réaliser chez soi pour une réalisation pratique.
Les auteurs ont utilisés différentes techniques et méthodes tels que :
L’ACT
Des techniques de TCC
Des techniques thérapeutiques globales issues des livres type « self-help »
Les thèmes abordés étaient : – les symptômes de l’anorexie – les complications – les facteurs de risques – les relations – l’estime de soi – le perfectionnisme – différentes prise en charge existante.
Résultats
Les participantes étaient plutôt assidues tant sur la durée que sur le nombre de participantes à chaque groupe ( 78% des patientes ont assisté à plus de 75% des séances). Les participantes se sont dites globalement satisfaites de l’intérêt de ce groupe. Elles ont surtout apprécié les connaissances apprises sur la maladie ainsi que le partage avec d’autres patientes, rompant ainsi l’isolement. Elles expriment aussi des améliorations dans leur quotidien (moins de culpabilité, moins de restrictions, moins d’anxiété et moins de rigidité). Concernant les résultats aux tests standardisés, une amélioration se dégage sur la symptomatologie des troubles alimentaires (EDE-Q); même si la motivation ne semble pas avoir évoluée (ANSOCQ). Enfin, l’IMC a également augmenté avec une prise moyenne de 2,5 kg à 3 mois après le groupe.
Notre réflexion
Cette étude montre des résultats prometteurs qui seraient intéressants de confirmer par des recherches ultérieures. Par ailleurs, ces éléments vont dans le sens des recherches anglo-saxonnes. Le MANTRA et le SSCM, deux prises en charge construites pour l’anorexie et reconnues à ce jour comme pertinentes, combinent une partie de psychoéducation à la prise en charge thérapeutique.
L’intérêt d’un groupe de cette nature est à notre sens, en dehors des informations transmises et des techniques communiqués, de favoriser le partage entre patients et de renforcer un lien avec les soignants.
Le but de cet article est de proposer un état des lieux des connaissances sur l’Anorexie, en décrivant les mécanismes psychologiques, biologiques et environnementaux qui sont impliqués dans la pathologie. Il y a ainsi une revue de la littérature internationale et des connaissances actuelles sur de très nombreux aspects de l’anorexie.
Généralités
L’article rappelle que l’anorexie, bien que touchant davantage une population féminine, atteint tous les sexes et tous les âges. L’anorexie se caractérise par une peur importante de prendre du poids et une image du corps profondément perturbée, ce qui entraîne une restriction alimentaire. Les fonctions cognitives sont également perturbées et l’anorexie entraîne également d’importantes difficultés émotionnelles. Le risque de mort est particulièrement élevé et fait de l’anorexie une des pathologies les plus dangereuses.
Classification et diagnostic
Le critère principal est l’IMC. Ci dessous les critères diagnostiques de l’anorexie :
Critère A
Restriction alimentaire, conduisant à un poids corporel significativement bas en fonction de l’âge, du sexe, de la trajectoire développementale ainsi que de la santé physique. Le poids corporel significativement bas est défini comme un poids en dessous d’un poids normal minimal ou, chez les enfants et les adolescents, en dessous du minimum attendu
Critère B
Peur intense devenir allant à que le poids de prendre du poids ou de grosse, ou comportements persistants l’encontre de la prise de poids, alors est significativement bas.
Critère C
Altération de la perception du poids ou de la forme de son propre corps, influence excessive du poids ou de la forme corporelle sur l’estime de soi, ou manque persistant de reconnaitre la gravité relative à la maigreur actuelle.
Selon le DSM V
Le DSM précise également deux sous-types : l’anorexie restrictive et l’anorexie avec purge. La nouvelle version du DSM, le DSM V, ne considère plus l’aménorrhée comme un critère diagnostique. En effet, ce critère excluait les anorexies masculines. Pour les femmes, les aménorrhées pouvaient retarder la pose de diagnostic ou ne pas tenir compte d’une prise hormonale exogène.
L’IMC permet d’établir des stades de sévérité :
I.M.C
Sévérité
< à 15
extrême
de 15 à 15.99
sévère
de 16 à 16.99
modérée
> ou égal à 17
faible
Selon le DSM V
Epidémiologie
La prévalence de l’anorexie dans la population générale des pays riches est de 1% chez les femmes et de moins de 0.5% chez les hommes. Certaines études tendent à montrer un accroissement des cas d’anorexies chez les enfants et les adolescents depuis deux ou trois décennies. L’apparition de l’anorexie se fait généralement au milieu de l’adolescence, mais peut survenir à tout âge. La rémission est plus importante chez les adolescents, tout comme une mortalité plus faible que chez les adultes.
Comorbidités psychiatriques et physiologiques
Comorbidité psychiatriques
75% des patients atteints d’anorexie décrivent des troubles de l’humeur, la plupart du temps de nature dépressive. Un trouble anxieux est souvent présent dans l’histoire du patient, avec une tendance aux troubles obsessionnels. Des problématiques de dépendance et notamment à l’alcool se retrouvent également à hauteur de 9 à 25%. Des traits du spectre autistique peuvent également se retrouver chez les patients souffrants d’anorexie ainsi que chez leur proche. Cependant le lien entre autisme et anorexie semble être non-spécifique.
Certaines études de la littérature génétiques relèvent des marqueurs génétiques communs entre l’anorexie et les troubles obsessionnels et certaines formes de schizophrénie; bien qu’il soit nécessaire d’avoir plus d’éléments probants.
Comorbidités physiologiques
Les complications physiologiques sont nombreuses (atteintes dentaires, système de reproduction et endocrinien, système cardiovasculaire, atteinte osseuse, atteinte rénale et digestive). Les implications sont donc celles de ces organes, citons dans le désordre : un déficit cognitif, de risque d’anémie, d’infection, de la constipation, de l’hypothyroïdie… L’ostéoporose touche 21% des patients.
Plus généralement les patients décrivent de la fatigue, des vertiges ou des syncopes. Globalement, la malnutrition due à l’anorexie a un retentissement sur presque tous les organes.
Prognosis
L’évolution de l’anorexie est partagée entre deux grandes tendances : celle d’une normalisation du poids et d’une rémission ou, à l’inverse, celle d’une chronicisation et d’un risque de mort. Chez les adultes, la rémission apparaît en général sous une période d’au moins 5 ans, ce qui peut être plus court chez les adolescents. Si ce risque est causé par l’extrême dénutrition, le suicide est également un risque majeur.
Pathogénèse
Le facteur héréditaire et le caractère familial sont particulièrement importants dans le développement de l’anorexie. Un facteur génétique semble être présent dans l’anorexie. Selon les dernières études, un marqueur génétique spécifique se retrouverait dans 76% des cas d’anorexie. La présence de ce marqueur est corrélée négativement avec l’I.M.C .
D’un point de vue neurologique, certaines spécificités pourraient être les conséquences de la dénutrition. Il est sinon relevé par exemple de la rigidité cognitive. Les fonctions cognitives se dégradent avec la sévérité et la durée de l’anorexie. D’un point de vue émotionnel, les études montrent une difficulté dans la « gestion », la reconnaissance et l’expression des émotions. Des études longitudinales décrivent des atteintes émotionnelles de cette nature dès la prime enfance chez les patients à risques de développer un trouble alimentaire.
Modèle neurobiologique
Enfin, les études décrivent également une atteinte de la structure du cerveau, avec une réduction de la matière grise et blanche, ainsi qu’une atteinte du système de récompense et du cortex sensorimoteur. Après la rémission, il semble que ces atteintes disparaissent. Cependant, les études à ce propos connaissent certaines limites et contradictions. Il apparaît donc nécessaire d’attendre des données supplémentaires.
Les études basées sur la neuro-imagerie ont mis en évidence que les patients anorexiques étaient plus sensibles aux récompenses non prédictives, à l’inverse de la boulimie et de l’obésité. Elle partage cependant avec ces derniers une atteinte du système de récompense et du système dopaminergique.
Certains auteurs considèrent que certains traits de personnalités relevés chez des enfants pourraient être un facteur de prédiction de l’anorexie, sur la base du fonctionnement neurobiologique (perfectionnisme, anxiété et obsession). La restriction alimentaire pourrait aussi se comprendre comme une volonté de réduire les émotions négatives causées par un déséquilibre entre le système serotoninergique (système d’aversion et d’inhibition) et le système dopaminergique (récompense). Enfin, les facteurs majeurs de la littérature sont :
le rôle prépondérant du stress, de la peur et de l’anxiété
le fait que les symptômes anorexiques s’inscrivent comme une modalité du système de récompense
les rituels et les compulsions comme entretenant la maladie
Facteurs développementaux
Des expériences difficiles ou traumatiques sont associées à une prévalence du risque de développer une anorexie. Une fois encore, l’anxiété, la dépression, des traits du spectre autistique sont considérés comme des facteurs de risques majeurs. L’adolescence et la période de puberté sont considérées comme des changements profonds qui créent une importante vulnérabilité. Un point d’explication peut être la transformation hormonale et la modification du fonctionnement des neurotransmetteurs à cette période.
Facteurs environnementaux
L’industrialisation, l’urbanisation connue dans les pays en transition économique montrent que l’environnement socio-économique influence le développement de l’anorexie. Le mode de vie occidental est ainsi considéré comme un facteur de risque, davantage par rapport à la non satisfaction corporelle qu’à l’idéal de minceur. Ce dernier n’étant pas reconnu par la littérature internationale comme un facteur de risque. En ce sens, le mode de vie occidental favoriserait plus le suivi d’un régime et d’une activité sportive excessive qui amènerait par conséquent un risque de développer un trouble alimentaire.
Traitement
Evaluation
L’évaluation doit comporter des éléments physiologiques (IMC, tension, données microbiologiques…), la sévérité et le détail du trouble alimentaire, les comorbidités, ainsi que les aspects psychologiques. Il est nécessaire d’y inclure autant que possible les proches du patient. En dehors de la sévérité mesurée par l’IMC, d’autres éléments peuvent également indiquer la nécessité d’un traitement immédiat (fréquence cardiaque, tension, phosphate ou encore profil psychiatrique et idées suicidaires).
Encore de nombreux patients ne sont pas pris en charge (environ 50% selon les études). Une fois pris en charge, les patients demeurent souvent ambivalents face au traitement. Cela souligne la nécessité de prendre en charge l’anorexie le plus tôt possible pour maximiser la possibilité de rémission, qui devient difficile lorsque l’intervention intervient après 3 ans de maladie.
Psychothérapies
La prise en charge des patients souffrant d’anorexie peut se faire en ambulatoire/libéral mais la prise en charge hospitalière se révèle nécessaire en fonction de la sévérité de la pathologie.
La prise en charge psychothérapeutique est une part incontournable de la prise en charge de l’anorexie mentale. Toutes présentent une amélioration du poids et de la situation, quelles que soient leurs spécificités (Cognitive, psychodynamique ou familiale). Pour les adolescents, la prise en charge familiale serait la plus adaptée.
Thérapies spécifiques à l’anorexie
Aujourd’hui, des modèles spécifiques se dégagent concernant la prise en charge de l’anorexie (Ndlr : il s’agit de modèle particulièrement anglo-saxon, parfois peu connu en France) :
FBT (Family-based treatment) : Prise en charge familiale
C’est une prise en charge en 3 phases, la première se concentre sur un renforcement des « compétences » familiales. La deuxième vise à travailler spécifiquement sur l’accompagnement alimentaire de la famille auprès du patient. Enfin, la dernière phase vise à travailler sur la relation parents-enfant en tant que telle.
SSCM (specialist supportive clinical management) : Prise en charge clinique de soutien spécialisée
C’est une prise en charge délivrée uniquement par des spécialistes des troubles alimentaires et basée sur un traitement standardisé. Le nombre de consultations est de plus en plus important en fonction de la sévérité de l’anorexie. Le but est de combiner une thérapie dite de support pour favoriser la relation avec le patient tout en utilisant une position psychoéducative (conseils, informations nutritionnelles, mise en place de buts à atteindre…). Le but est de permettre au patient de faire un lien entre leur comportement alimentaire et leur situation clinique tout en les accompagnant vers une rémission.
MANTRA (Maudsley model of anorexia treatment for adults) : Modèle de Maudsley pour le traitement de l’anorexie des adultes
Ce modèle propose de travailler sur les facteurs de maintien de l’anorexie : l’angoisse et la symptomatique obsessionnelle. MANTRA va alors travailler sur la rigidité cognitive, l’évitement émotionnel, les croyances à propos de l’anorexie et les liens inadaptés avec l’environnement proche. C’est un traitement de nature motivationnelle. Un manuel est donné au patient et le traitement est particulièrement structuré. Ce modèle a été créé spécifiquement pour l’anorexie.
Cette approche se veut transdiagnostic. Il s’agit de favoriser la compréhension mutuelle du trouble alimentaire et de l’aider à modifier ses schémas impliqués dans son alimentation. La CBT-E travaille également sur les facteurs qui entretiennent l’anorexie.
Le thérapeute se base sur un outil diagnostique standardisé visant à identifier les mécanismes inconscients impliqués. La première phase est la création d’une alliance thérapeutique (ndlr : l’approche psychodynamique dans les pays anglosaxons est éloignée de celle en France), la deuxième approche met en lien les relations du patient avec l’anorexie, enfin la dernière phase est le travail de la séparation et des questions transférentielles.
Traitement pharmacologique
La prise d’antidépresseurs ne permet pas une amélioration du poids et n’améliore pas les symptômes. Leur utilité pourrait être après la prise de poids mais les données sont encore fragiles. A ce jour, aucun traitement pharmacologique n’a montré son utilité.
Traitement nutritionnel
La place du diététicien est centrale dans la prise en charge pluridisciplinaire de l’anorexie. Le gain de poids est plus efficace chez les patients qui sont hospitalisés. Le syndrome de renutrition est un risque majeur, surtout au début de la prise en charge et selon la durée et la sévérité de la maladie. La prise en charge nutritionnelle s’articule autour de repas contrôlés et de suppléments oraux protéiniques liquides si nécessaire. La pose d’une sonde naso-gastrique peut-être indiquée dans les situations à haut risque.
Traitement expérimentaux
Remédiation cognitive
La remédiation cognitive pour l’anorexie présente à ce jour des données encourageantes. Il s’agit de cibler des fonctions neuropsychologiques particulières, comme un travail sur la flexibilité cognitive. Des données supplémentaires devraient confirmer ces apports.
Traitement neurobiologique
Des stimulations transcranniennes (rTMS) seraient utiles dans le cas d’anorexies longues et sévères, mais les données restent peu documentées.
Programmes de prévention
A ce jour les programmes de prévention n’ont que peu d’effetq réels sur la limitation du risque de développement de troubles alimentaires et d’anorexie. Ceux ciblant davantage l’insatisfaction corporelle ou ceux destinés à l’importance des parents semblent présenter plus d’intérêt.
Notre réflexion
Cet article fait le tour des points clefs concernant l’anorexie. Il est concordant avec une autre méta analyse plus récente concluant que la prise en charge psychothérapeutique est incontournable et présente de réels bénéfices, peu importe le type de thérapie. Les modèles présentés sont particulièrement répandus dans le monde anglo-saxons mais peu en France, même si la FBT et MANTRA commencent à être abordées. Enfin, il ressort également tout l’intérêt déjà connu d’inclure les parents lorsqu’il s’agit d’adolescents.