Le cycle de la honte de l’obésité

La honte est un point central pour les patients souffrant d’obésité. On peut même parler d’un cycle de la honte qui renforce tant ce sentiment que les difficultés alimentaires qui peuvent survenir dans cette pathologie.

Une honte favorisée par la société

stigmatise les corps considérés comme « trop gros » ou « hors normes ». Cette culture de la minceur est souvent véhiculée par les médias, la publicité, le cinéma et la mode, et elle devient une norme internalisée par les individus dès leur plus jeune âge.

L’obésité est souvent perçue comme un choix personnel ou comme une question de volonté ou de contrôle de soi. Rappelons que ce n’est jamais le cas. L’obésité est une pathologie. Cependant, cette idée peut amener les personnes obèses à être blâmées pour leur poids et à être victimes de préjugés et de discrimination. Elle est également souvent associée à des préjugés sur le caractère, la personnalité ou encore la compétence des personnes obèses. Même le domaine professionnel porte cette stigmatisation.

Les conséquences de la stigmatisation sociétale

La stigmatisation entraîne régulièrement une baisse de l’estime de soi et un sentiment de honte chez les personnes obèses. Elles se sentent dévalorisées et jugées sur la base de leur apparence physique, ce qui, en général, génère de l’anxiété, des affects de tristesse ou d’angoisse. Ce sont aussi des situations qui pourraient être positives qui vont être évitées. Les sorties, les moments de convivialité impliqueraient le regard stigmatisant de l’autre et les personnes s’isoleraient pour l’éviter.

Cause et conséquence : le cycle de la honte

Le cycle commence ainsi par cette honte portée par les normes et fausses croyances (manque de volonté…) suscitant un affect de honte. Cette honte s’accompagne de culpabilité et d’émotions ressenties comme négatives.

Ces émotions peuvent être tellement difficiles que les personnes souffrant d’obésité chercheront une manière de les évacuer ou de les compenser. Ainsi, l’une des manières peut être de se tourner vers la nourriture. Il s’agit de faire face au stress et aux émotions négatives, ce qui peut entraîner une prise de poids supplémentaire. De plus, cette prise de poids peut à son tour renforcer la stigmatisation de l’obésité et alimenter la honte et la culpabilité chez les personnes obèses, créant ainsi un cercle vicieux.

[Stigmatisation de l’obésité] –> [Honte et culpabilité] –> [Compulsion alimentaire et prise de poids] –> [Renforcement de la stigmatisation] –> [Renforcement de la honte et de la culpabilité] –> retour à la [Stigmatisation de l’obésité]

Sortir du cycle ?

Pour briser ce cycle de la honte, il est ainsi recommandé de travailler sur l’estime de soi, sur la santé et le bien-être plutôt que sur leur poids. Par ailleurs, il est utile de chercher du soutien auprès de groupes et de professionnels de la santé. Ces derniers ont une compréhension positive et plus juste de l’obésité.

Changer le regard sociétal

La sensibilisation du grand public est essentielle pour lutter contre la stigmatisation de l’obésité. Il est important d’éduquer les gens sur les causes de l’obésité, qui sont souvent multifactorielles. Il faut également promouvoir une compréhension empathique des personnes obèses.

Les médias peuvent jouer un rôle important dans la sensibilisation du public en évitant les stéréotypes et les préjugés sur les personnes obèses et en promouvant une image positive et réaliste de la diversité corporelle.

Enfin, il est important de mettre l’accent sur la santé et le bien-être plutôt que sur le poids et l’apparence physique. Il est aussi important de reconnaître que la santé ne se limite pas à la taille ou au poids.

Sources

Auteur : B. Karcher 
Titre original : Le cycle de la honte dans l’obésité
Date de publication : 2016
Revue : L’encéphale
Langue originale : Français

La médiation animale peut aider à la prise en charge des troubles alimentaires

Le recours à des animaux en psychopathologie est un domaine nouveau et prometteur. On sait que les animaux peuvent permettre une médiation intéressante notamment auprès des populations d’enfants ou d’adolescents. Cette population est la plus touchée dans les troubles alimentaires.

Associer les animaux à une thérapie traditionnelle

Une méta analyse a examiné les résultats de 10 études, impliquant au total 177 participants atteints de troubles alimentaires.

Il s’agit d’évaluer ce qui est appelée thérapie de support par les animaux ou thérapie assistée par les animaux. Elle est définie comme une intervention qui utilise des animaux comme support thérapeutique et le plus souvent en conjonction avec d’autres formes de traitement, comme la TCC et l’ACT.

La thérapie assistée par les animaux consiste en des interactions directes avec les animaux, telles que des caresses, des promenades ou des activités de nourrissage. L’objectif est de fournir un soutien émotionnel et physique, voire même une distraction positive, pour aider les patients à mieux appréhender leurs symptômes et à améliorer leur sensation globale.

Les études analysées ont utilisé différentes espèces animales (chiens, chevaux, dauphins). Elles concernaient différents lieux (établissements de soins, cliniques spécialisées, et centres de traitement résidentiel).

Réduction de l’angoisse et des aspects dépressifs

Les résultats de la revue indiquent que l’utilisation de la thérapie assistée par les animaux peut être bénéfique dans le traitement des troubles alimentaires, tels que l’anorexie et la boulimie. Il y aurait notamment une réduction de l’anxiété, de la dépression ou du stress. Par ailleurs, il y aurait une augmentation de la qualité de vie et une plus forte adhésion à la prise en charge. Il y aurait également une augmentation de la confiance en soi et l’estime de soi. Le lien avec le thérapeute se verrait également renforcé.

Il faut cependant rester prudent, bien que les résultats soient prometteurs, les échantillons sont souvent de petite taille et il n’y a pas toujours de groupe contrôle.

Ainsi il semble pour autant que la médiation animale puisse être considérée comme une intervention complémentaire intéressante dans le traitement des troubles alimentaires.

Informations concernant l’article

Auteur : Molly W. Fennig , Elise Weber , Bolade Santos , Ellen E. Fitzsimmons-Craft , Denise E. Wilfley 
Titre original : Animal-assisted therapy in eating disorder treatment: A systematic review
Date de publication : Décembre 2022
Revue : Eating Behaviors
Langue originale : Anglais
Lien & DOI : https://doi.org/10.1016/j.eatbeh.2022.101673

Les thérapies narratives dans les troubles alimentaires

Auteur : L. Heywood, J. Conti & P. Hay
Titre original : a systematic synthesis of narrative therapy treatment components for the treatment of eating disorders
Date de publication : Septembre 2022
Revue : Journal of Eating disorders
Langue originale : Anglais
Lien & DOI : https://doi.org/10.1186/s40337-022-00635-5

But de l’article

Il s’agit d’explorer si les thérapies narratives, peu développées et étudiées peuvent présenter un intérêt pour la prise en charge des troubles alimentaires. Elles pourraient être des approches utiles et complémentaires aux autres techniques thérapeutiques.

Méthode

Il s’agit d’une revue de la littérature, d’une analyse d’articles scientifiques déjà publiés sur les thérapies narratives auprès des troubles alimentaires.

Contexte

Si aujourd’hui plusieurs thérapies se révèlent avoir des effets intéressants dans les troubles alimentaires, aucune n’est efficace pour chacun des troubles. La recherche met également en avant un élément fondamental propre au trouble alimentaire, son côté identitaire. Les troubles alimentaires sont perçus comme une part de l’identité du patient. Ceci explique notamment que bon nombre de patients hésitent à démarrer une prise en charge ou que le trouble alimentaire perdure, il constitue une part de l’identité du patient qu’il est difficile de faire évoluer.

Les thérapies narratives se concentrant sur la dimension identitaire et sur l’histoire vécue du patient pourraient ainsi être prometteuses.

Les thérapies narratives

Elles ont été développées par M. White et D. Epson.
Il s’agit de déconstruire l’histoire du problème, pour l’externaliser, en faire un problème non plus « collé » à soi-même, mais extérieur à soi, pour l’aborder avec un autre regard. Il faut séparer le problème de la personne, amenant la proposition suivante : « Le problème c’est le problème ». Les thérapies narratives proposent ensuite d’explorer comment le trouble s’inscrit dans l’histoire et prend sens dans l’identité du patient. L’idée principale de ces thérapies est de considérer que l’identité d’une personne prend la forme d’une histoire, c’est cette histoire qui guide les pensées, les ressentis et les actions de sa vie.

Un des points clefs des thérapies narratives est de mettre à jour les « histoires cachées » qui entretiennent des scénarios douloureux pour le patient et qui lui échappent. C’est notamment le cas dans les troubles alimentaires. Changer l’interprétation de sa propre histoire permettrait de trouver de mieux vivre sa situation, de mieux se comprendre et ainsi de faire apparaître de nouvelles solutions. Le patient est placé au centre de la thérapie et il est l’expert de sa situation, le thérapeute est là pour l’accompagner à trouver ses propres solutions.

Résultats

Les études relatives à la prise en charge des troubles alimentaires démontrent de bons résultats concernant tant les symptômes que sur le ressenti du patient. C’est également la position du thérapeute et le processus thérapeutique qui, en plaçant le patient comme expert de sa situation, démontrent un intérêt certain.

Notre réflexion

L’intérêt des thérapies narratives peut être d’offrir un décalage sur le symptôme pendant la prise en charge. On sait à quel point les troubles alimentaires prennent toue la place dans la vie du sujet. Il est difficile de trouver une manière d’aborder les autres domaines de vie et de se re rapprocher de ce qui est vraiment important pour le patient. Le trouble alimentaire, souvent affronté de manière directe se renforce finalement. La prise de distance offerte par les thérapies narratives peut être salvatrice et débloquer des situations parfois enkystées depuis longtemps.

L’orthorexie et les réseaux sociaux

Auteur :Costa, M. F., Prado, S. D., & Carvalho, M. C. D. V. S.
Titre original : Orthorexia in social media: reflections between health and disease
Date de publication : Mai 2022
Revue : Saúde e Sociedade
Langue originale : Anglais & Portugais
Lien & DOI : https://doi.org/10.1590/S0104-12902022210760en

But de l’article

Les auteurs souhaitent explorer comment les réseaux sociaux influencent l’orthorexie. Il s’agit d’explorer comment ces derniers véhiculent de normes alimentaires et des normes de santé, en se basant sur la pensée de Canghuilhem et de Foucault.

Méthode

Il s’agit d’une analyse d’articles scientifiques sur le thème de l’orthorexie et des réseaux sociaux précédemment publiés. Tout d’abord, les auteurs ont examinés 249 articles qui traiter de ces deux thèmes : l’orthorexie et les réseaux sociaux. Les travaux des auteurs se basent sur 9 articles. Les auteurs gardent comme fil rouge le fait de répondre à la question suivante : « Comment se présente l’orthorexie sur les réseaux sociaux ? ».

Contexte

L’idée d’une alimentation considérait comme saine est un sujet important dans la société contemporaine. Il implique des réflexions sur la santé, l’environnement ou encore l’agriculture. La question de la santé est plus compliquée puisque sa définition varie selon le regard qui y est porté. L’alimentation est aujourd’hui devenu une part intégrante du processus de médicalisation. L’alimentation est en effet perçue sous l’angle de risques qui légitime ou non certaines pratiques alimentaires. La part « médicale » de l’alimentation devient unique et coupe l’alimentation de ses fondements sociaux et culturels.
D’un autre côté, les réseaux sociaux sont reconnus comme pouvant engendrer une perception déformé de la santé, du poids et envoyé des messages culpabilisant à propos de l’alimentation.
Ainsi, les réseaux sociaux majorent le risque de développer des problématiques dépressives, une tendance à la comparaison sociale et une image corporelle négative.

L’influence des réseaux sociaux

Les réseaux sociaux promeuvent l’alimentation et les pratiques sportives comme la possibilité de contrôler son corps et d’atteindre une perfection. Optimiser son apparence est proposé comme la clef du bonheur. C’est sur ce terrain que l’orthorexie se développe et apparaît sur les réseaux sociaux.
Par la suite, l’orthorexie apparaît sur la base d’une volonté de protection optimale de la santé. Les influenceurs indiquent également que la peur de l’alimentation et les symptômes orthorexiques sont normalisés par le discours sociétales et celui des autorités publiques. Pour les auteurs, cela se comprend sous l’angle de la médicalisation et du biopouvoir de M. Foucault. Cela signifie que le discours médical infiltre tellement la vie quotidienne qu’il devient une façon de « contrôler » les comportements individuels.

Cela s’appuie sur la perception de considérer l’intérêt pour sa santé comme une valeur morale. En ce sens, cela renforce les symptômes orthorexiques. Le discours proposé sur les réseaux sociaux, notamment le « fitinspiration », à savoir des phrases devant inspirer l’envie de pratique sportive et un bon état de santé. Ce type de discours promeut un idéal qui peut renforcer la culpabilité ressentie en cas de non respect de ces « mantras ».

Notre réflexion

Les auteurs soulignent avec intérêt comment les réseaux sociaux sont un vecteur communicationnel important à propos de l’orthorexie. Cette communication mettant en scène un discours précis, rapide et idéal déconnectée de la réalité. Les corps ou les repas ne s’inscrive que dans une optique de santé, renforçant des messages inquiétants et parfois culpabilisants. Les réseaux sociaux soutiennent avec force la médicalisation de la société, prenant ici appui sur l’alimentation.
En ce sens, ils sont un terreau fertile pour l’orthorexie.

Le point commun des troubles alimentaires ? S’auto-critiquer

Auteur : Brenna M.WilliamsCheri A.Levinson
Titre original : A model of self-criticism as a transdiagnostic mechanism of eating disorder comorbidity: A review
Date de publication : Avril 2022
Revue : New Ideas in Psychology
Langue originale : Anglais
Lien & DOI : https://doi.org/10.32872/cpe.8403

Contexte et but de l’article

Les auteurs s’intéressent aux commorbités associées aux troubles alimentaires : la dépression et les problématiques d’anxiété. Les auteurs proposent de considérer que l’auto-critique, dans son sens négatif (la dévaluation) est un mécanisme transdiagnostic de ces trois problématiques psychiatriques. Ils proposent ainsi un modèle de ce mécanisme, le considérant comme un des facteurs principaux de maintien de ces pathologies et de leur interaction.
Les auteurs cherchent en effet à identifier pourquoi la dépression et l’anxiété sont aussi fréquemment présentes lors de troubles alimentaires. Leur hypothèse est donc de considérer l’auto-critique comme le mécanisme expliquant cette association.

Le but est par la suite de proposer une réflexion sur une prise en charge thérapeutique accordant une place non négligeable à ces auto-critiques. Les auteurs soulignent la difficulté de prise en charge des troubles alimentaires et les résultats mitigés proposés par les thérapies actuelles. Ils postulent que s’intéresser aux mécanismes profonds de maintien des troubles alimentaires, l’auto-critique ici, serait une piste thérapeutique intéressante. Il s’appuie notamment sur le fait qu’une amélioration de ces auto-critiques a été reconnue comme favorisant l’évolution des troubles alimentaires (étude de Löw en 2020).

Méthodes

Il s’agit d’une revue de la littérature. Les auteurs vont donc analyser les différentes études traitant de l’auto-critique dans les troubles alimentaires, la dépression et l’anxiété. A l’appui de cette analyse, les auteurs proposent un modèle explicatif de l’auto-critique et de son rôle de maintien de troubles alimentaires, de la dépression et de l’anxiété.

Définir l’auto-critique

Tout d’abord, il s’agit de définir l’auto-critique. Il s’agit de critique sévère que le sujet s’impose à lui-même. Elle se base sur une poursuite de réussite et une attention très importantes concernant les erreurs. En cas d’échec perçu, le sujet renforce ses pensées dévalorisantes et s’impose de nouvelles contraintes. Les sujets considèrent souvent ce mécanisme comme permettant de progresser, de devenir une meilleure personne. Si l’auto-critique peut parfois être positive et permettre de s’adapter, un niveau trop important conduit la plupart du temps à des affects négatifs et au développement de symptômes psychopathologiques. C’est également un mécanisme lié au perfectionnisme, un aspect que l’on retrouve également dans de nombreuses psychopathologies.
Enfin, ce mécanisme freine le sujet dans la possibilité de développer des relations sereines ou une vie professionnelle et personnelle épanouissante.

Les connaissances actuelles sur l’auto-critique

Dans les troubles alimentaires

L’importance de l’auto-critique dans les troubles alimentaires est bien connue. De nombreuses études le soulignent (voir Fairburn). Les auto-critiques sont relieés aux injonctions liés au corps, au poids ou à la qualité de l’alimentation que s’impose le sujet. En effet, lorsque le sujet ne respecte pas les règles qu’il s’est imposées, c’est un regard dur et sévère qui s’abat sur lui. Ainsi, on retrouve de nombreux patients considérant qu’ils n’arriveront à rien s’ils n’arrivent déjà pas à manger comme ils le souhaitent ou comme tout le monde. Par ailleurs, ce mécanisme va venir renforcer les règles, contraintes et les attentes du sujet. Une boucle se met en place et maintien ainsi le trouble alimentaire.

Dans la dépression et les problématiques anxieuses

Concernant la dépression, ce mécanisme favorise lui aussi l’état dépressif. Dans la théorie cognitiviste de Beck, ce type de pensées va générer des affects négatifs qui renforcent les affects dépressifs.

Par rapport aux problématiques anxieuses, le mécanisme est également considéré comme un mécanisme de maintenant les troubles. En effet, toujours dans une optique cognitiviste, les fausses croyances envers soi-même qui vont venir générer et favoriser l’anxiété. Ainsi, se dévaluer rend de nombreuses situations quotidiennes angoissantes puisque le sujet se perçoit comme n’étant pas suffisamment capable d’y faire face.

Le modèle théorique de l’auto-critique proposé par les auteurs

Dans ce modèle, les auteurs considèrent l’auto-critique comme des pensées automatiques et des croyances qui amènent à la honte et ainsi maintiennent les troubles alimentaires et la dépression. On voit également l’interaction et le phénomène de boucle qui renforce le mécanisme et la psychopathologie.

La flèche rouge indique un postulat des auteurs, quand les deux autres sont soutenues par la littérature scientifique

Par cette proposition, les auteurs suggèrent également de penser les troubles alimentaires sur un modèle dimensionnel et non catégoriel.

Notre réflexion

Outre l’abord cognitiviste et la revue de ce caractère à travers les différentes pathologies, le fait de souligner l’influence et l’auto renforcement des critiques et du trouble est intéressant. La réflexion de porter la réflexion sur des mécanismes sous-jacents plus qu’uniquement sur les symptômes est intéressant également. Enfin, les auteurs soulignent le fait que ces auto-critiques apparaissent comme un outil pour les sujets, un outil pour se sentir mieux, même si cela échoue. Il nous semble important de pouvoir bien comprendre qu’il s’agit d’un moyen de défense du sujet. Ainsi, il ne sera pas aisé de lutter frontalement contre ces auto-critiques sans comprendre l’intérêt et la crainte du sujet de les perdre.

Quel terrain commun pour les psychothérapies modernes ?

Auteur : Hofmann, S. G., Barber, J. P., Salkovskis, P., Wampold, B. E., Rief, W., Ewen, A. C. I., & Schäfer, L. N.
Titre original : What Is the Common Ground for Modern Psychotherapy? A Discussion Paper Based on EACLIPT’s 1st Webinar
Date de publication : Mars 2022
Revue : Clinical Psychology in Europe
Langue originale : Anglais
Lien & DOI : https://doi.org/10.32872/cpe.8403

Contexte et but de l’article

Cet article se base sur une discussion suite à conférence en ligne traitant des points communs fondamentaux des psychothérapies actuelles. Il est paru dans le journal de référence de psychologie clinique en Europe. L’objectif est de mettre à jour les aspects fondamentaux qui traversent les différents types de psychothérapies pour favoriser la prise en charge du patient, le dialogue entre les thérapeutes ainsi que la formation des futurs cliniciens.

Constats

Les auteurs réalisent plusieurs constats. En premier lieu, la psychologie clinique est aujourd’hui un regroupement de méthodes et de position diverses qui ont du mal se regrouper et se formaliser en tant que champ disciplinaire cohérent. Par ailleurs, l’évaluation des différentes techniques thérapeutiques semble atteindre ses limites. Les auteurs relèvent le fait qu’il est à présent nécessaire de se concentrer davantage sur le processus et sur le problème amené par le patient que sur une technique ou un modèle spécifique.

L’objectif est de trouver un terrain commun sur lequel se basent les différentes écoles, pour favoriser la compréhension du processus thérapeutique.


Ainsi, la formation des futurs cliniciens gagnerait à ne pas se baser sur une école particulière, mais à intégrer un tronc commun de compétences issues de diverses approches.

De plus, les cliniciens se basent aujourd’hui majoritairement sur une approche liée aux troubles (catégories DSM par exemple) plus que sur le patient en lui-même et sur les processus de changement. Cependant, ce modèle se voulant objectif, il se base sur un aspect subjectif, l’expression et le ressenti du patient. Il serait ainsi plus intéressant de s’intéresser à la relation thérapeutique, à la plainte formulée par le patient et à ses caractéristiques psychologiques, plus qu’à la volonté de trouver un modèle psychopathologique dans lequel le patient s’inscrirait.

Par ailleurs, les auteurs notent que cette ultra focalisation sur une pathologie amènent la création de multiples nouvelles formes de thérapies ou techniques qui se réfèrent en réalité et parfois sans le savoir sur les quatre ou cinq grandes approches traditionnelles.

L’approche basée sur le processus comme illustration

Un des auteurs principaux, Hoffman, propose de décrire quelques grandes lignes de l’approche basée sur le processus (PBT) pour illustrer cette perspective. Dans cette perspective, la thérapie est perçue comme un processus complexe incluant de nombreux aspects différents.

En premier lieu, le point de vue sur le patient, sa souffrance ou encore la thérapie change. Il s’agit selon l’auteur de passer d’une approche nomothétique à une approche idiographique. Plus clairement, la première vise à tirer des lois générales pour comprendre l’individuel, la seconde se base au contraire sur une description et un approfondissement minutieux de l’individuel. D’un autre côté, l’auteur propose une compréhension plus large, en se basant sur le modèle biopsychosocial (interaction des facteurs biologiques, psychologiques et sociaux) pour aborder le patient et la thérapie. Enfin, il propose de ne pas uniquement se baser sur la volonté de réduire les symptômes, mais également de favoriser l’épanouissement du patient.

Pour l’auteur, certains processus se révèlent très précieux mais sont cependant secondaires quelle que soit l’école choisie par le thérapeute (ex : l’acceptation, la possibilité d’adaptation, le sentiment d’efficacité…).

Le cadre de compréhension est un cadre se référant à l’évolutionnisme. C’est-à-dire que la pathologique ou la difficulté apparaît comme une adaptation à un contexte. L’idée est alors d’identifier ce qui a changé dans le contexte, de trouver une solution d’adaptation plus intéressante pour le patient et de la faire perdurer.
Les auteurs considèrent que cette perspective ouvrirait la voie à un traitement expérimental prédictif.

Conclusion

Les auteurs soulignent l’importance de se baser sur la demande et le ressenti du patient plus que sur la question diagnostique et nosographique. Par ce biais, l’approche est ainsi plus souple et permet d’envisager pour le clinicien d’autres angles de compréhension de la situation. Globalement, la question de l’évaluation des thérapies se pose, avec les difficultés méthodologiques connues. La proposition de la PBT ne constitue pas une nouvelle approche en tant que telle avec de nouveaux concepts, mais décale la perspective thérapeutique au niveau du processus et ce qui permet d’aider le patient à aller vers un changement.
En ce sens, la question de la relation thérapeutique est centrale et constitue un élément incontournable de toute approche et toute modélisation.

Notre réflexion

A un niveau européen, une vraie réflexion sur ce qu’est une thérapie et comment l’envisager se pose. En France, la situation est plus compliquée à cause des rivalités profondes entres le différentes écoles. Le débat ne peut que difficilement s’ouvrir sur la réflexion de fondements et de terrain communs à toute approche. En dehors de la proposition de formalisation par la PBT, la réflexion sur le processus davantage que sur la technique ainsi que la focalisation sur la parole du patient plus que sur le modèle et ainsi sur le particulier plus que sur le général nous paraît fondamentale et particulièrement intéressante. Il nous semble y voir ici des échos avec certaines propositions plus anciennes, notamment celle de la phénoménologie ainsi que de l’approche existentielle.
Promouvoir un meilleur dialogue entre les thérapeutes ne peut être qu’une bonne idée. Remettre le patient au centre de la pensée clinique également.

Qu’est-ce qui aide ou blesse un patient dans une psychothérapie ?

Auteur : Trish Sherwood
Titre original : Client experience in psychotherapy : what heals and what harms?
Date de publication : Septembre 2001
Revue : Indo-Pacific Journal of Phenomenology
Langue originale : Anglais
Lien & DOI : https://journals.co.za/doi/pdf/10.10520/AJA14457377_81

But de l’article

L’article vise à mieux comprendre l’expérience du patient dans une psychothérapie. Il est vrai que les professionnels se basent surtout sur leurs propres bases théoriques. Quel que soit le référentiel utilisé, il s’agit surtout de s’intéresser à des éléments majoritairement discutés entre professionnels. La plupart des techniques, lorsqu’elles sont expérimentées, testées ou évaluées dans le cadre d’étude, ne laissent que peu la parole aux patients. Il s’agit de professionnels qui observeront si leurs propres critères de départ sont remplis ou non.

Lorsque le patient est consulté, il doit la plupart du temps remplir un questionnaire déjà construit et donc orienté.

L’article vise ainsi à mieux comprendre l’expérience des patients lors de consultations thérapeutiques en leur laissant la parole, en les laissant clairement indiquer ce qui pour eux a été une aide ou à l’inverse un obstacle.

Méthode

L’auteur s’appuie sur la méthode phénoménologique pour comprendre le coeur de l’expérience vécue par les patients. Concrètement, l’auteur va interviewer les participants. Il se base sur un entretien semi-directif : de grandes questions centrales orientent l’entretien mais le participant reste libre de s’en éloigner et de parler de ce qu’il souhaite.

Les patients sélectionnés ne sont plus actuellement en thérapie, ils sont tous âgés de plus de 21 ans (âge de la majorité dans le pays en question, l’Australie) et ont suivi au moins 5 consultations. En outre, il n’y a pas de critères particuliers concernant le référentiel ou la technique utilisée.

Au final, 2 hommes et 6 femmes constituent l’échantillon de l’étude. Les participants rencontrent deux fois l’auteur de l’étude. La première fois, il s’agit d’une première rencontre expliquant comment se passera l’entretien.
La seconde fois concerne l’entretien en tant que tel.

Les grandes questions/thèmes de l’entretien sont les suivants :

  • Raconter votre expérience de la thérapie
  • Est-ce que le thérapeute a influencé cette expérience ? Si oui comment ?
  • Quels sont les aspects qui vous ont été le plus bénéfiques et ceux qui l’ont été le moins ?
  • Y a-t-il n’importe quelle autre chose que vous avez envie de rajouter à propos de cette expérience ?

Résultats

Ce qui aident les patients

1- Les patients attendent que le thérapeute puisse les inviter en toute sécurité à exprimer leurs expériences et ressentis les plus profonds

Le thérapeute fait sentir le patient en confiance, dans une atmosphère calme et soutenante. Le patient se sent totalement écouté et compris par le thérapeute. La présence véritable du thérapeute, le temps qu’il prend, la stabilité qu’il apporte dans son écoute et dans ses rendez-vous. La qualité de l’espace ouvert par le thérapeute est essentielle pour les patients.

2- Ils souhaitent une vraie rencontre avec le thérapeute et que celui-ci soit honnête

Les patients attendent un thérapeute authentique, un humain qui peut lui aussi ressentir de la douleur et de la peine, qui peut ainsi les comprendre. Ils ne souhaitent pas un thérapeute qui joue un rôle ou qui essaie de les influencer. La sincérité est essentielle pour les patients :

Je ne veux pas que le thérapeute soit neutre.. J’attends qu’il ait une éthique, des valeurs. Je ne veux pas qu’il soit vide pendant que je m’assois me parle à moi-même… J’attends qu’il soit complètement vivant et attentif et impliqué, utilisant ses compétences, son génie, sa personnalité et sa créativité.

Citation d’un des participants de l’étude

3- Les patients ont besoin que le thérapeute se concentre sur leurs préoccupations

Le thérapeute doit laisser son propre bagage personnel en dehors de l’espace de consultation. Les patients veulent sentir que tout l’espace de consultation leur est complètement dédié.

4- La relation thérapeutique doit être au service de leur développement personnel

Les patients souhaitent que les bénéfices qui émergent dans la relation thérapeutique durent au-delà de la fin du suivi. La part cathartique de la prise en charge est ici soulignée.

Ce qui les blesse ou constitue un obstacle

1- Lorsque le patient a la sensation que le thérapeute l’abandonne seul face à ses expériences douloureuses

Lorsque le thérapeute se limite uniquement à sa technique, de manière déshumanisée. Les patients se sentent meurtris et abandonnés lorsque le thérapeute ne réagit pas ou peu quand ils évoquent leur douleur.

Il était froid et il essayait de répondre à mon problème avec des idées préconçues sur qui je suis et ce que je pensais mais en réalité il n’avait aucune idée sur qui j’étais et ce qu’il se passait pour moi

Citation d’une participante de l’étude

2- Lorsque le thérapeute semble être inauthentique

3- Quand le thérapeute impose sa propre personnalité/histoire aux patients

Il est question ici des projections de la part du thérapeute, du fait que sa propre histoire ou que son propre égo prennent le dessus.

4- L’expérience d’un thérapeute qui semble diminuer leur confiance en eux et qui déprécie leurs mécanismes de défense

Les patients font ressortir une attitude de jugement qui les empêche de parler, de s’investir dans la thérapie. Ces jugements leur crée également de la culpabilité dans leur vie quotidienne, ayant la sensation de toujours mal faire.

Notre réflexion

Cette étude met en lumière et rejoint les quelques autres études sur l’expérience des patients ainsi que les conclusions sur l’efficacité des psychothérapies. Nous pouvons bien constater que la relation thérapeutique est centrale. Bien que les questions de l’entretien soient orientées sur le thérapeute, nous voyons bien que la technique est secondaire. Face au mythe du thérapeute « neutre », cette étude souligne l’importance du caractère empathique et de l’affirmation de sa personnalité. Cependant, il s’agit de ne pas tomber non plus dans « trop de personnalité », puisque nous voyons que le risque est de parler trop de soi, que le thérapeute prenne la place qui est normalement dévolue au patient.

Mesurer l’orthorexie : deux études soutenant l’ORTO-R

Auteurs (1) : Gkiouras, K., Grammatikopoulou, M.G., Tsaliki, T. et al
Auteurs (2) : Rogoza, R., Mhanna, M., Gerges, S. et al.
Titre original (1): Orthorexia nervosa: replication and validation of the ORTO questionnaires translated into Greek in a survey of 848 Greek individuals
Titre original (2): Validation of the Arabic version of the ORTO-R among a sample of Lebanese young adults.
Date de publication : Janvier 2022 (1 et 2)
Revue : Hormones (1) / Eating and Weight disorders (2)
Langue originale : Anglais
Lien & DOI : https://doi.org/10.1007/s42000-022-00351-4 (1) / https://doi.org/10.1007/s40519-021-01350-x

But de l’article

Les deux articles ont pour but de traduire et d’adapter l’ORTO-R, le nouvel outil révisé pour diagnostiquer l’orthorexie, en langue grecque et arabe.
Ils visent également à faire passer l’ORTO-R à un échantillon important puis à établir un traitement statistique pour évaluer la pertinence de l’outil.
Ce type de recherche vient soutenir ou non les recherches précédentes sur l’outil et justifier ou non de son utilisation auprès d’une population nationale spécifique.

Méthodes

La recherche grecque va d’abord traduire puis traiter l’ORTO-15 (le test précédent sur lequel se base l’ORTO-R) pour ensuite passer spécifiquement aux six questions retenues par l’ORTO-R. Les auteurs réalisent ensuite une analyse factorielle confirmatoire pour évaluer la pertinence de l’outil.
Deux traducteurs s’occupent de la traduction. L’anglais et le grec sont leurs deux langues natales. Ils échangent ensuite leur proposition entre eux puis auprès des chercheurs.

La deuxième étude réalise une traduction de l’ORTO-R directement puis la compare à un autre outil, la TOS (Teruel Orthorexia Scale). Si les résultats sont similaires entre les deux outils, les auteurs pourront soutenir l’hypothèse que l’ORTO-R ainsi traduit est pertinent. Les auteurs regarderont également si les résultats de l’ORTO-R sont corrélés à certains aspects particuliers (dépression, anxiété et insatisfaction corporelle).

Les recherches se basent sur un échantillon conséquent : 848 pour l’étude grecque et 363 pour l’autre étude. Les participants avec un IMC faible ne sont pas exclus.

Résultats

Les deux études proposent des résultats statistiques soutenant la pertinence de l’ORTO-R.
L’étude en langue arabe indique que l’ORTO-R est corrélé à la dépression et à l’anxiété. L’étude grecque relève que les hommes seraient plus touchés et avec un IMC faible.

Notre réflexion

Les deux études soutiennent la pertinence de la version modifiée de l’ORTO-15, l’ORTO-R pour diagnostiquer l’orthorexie. Cependant, la question de l’IMC n’est pas envisagée, alors qu’elle pourrait être un élément central. Quel lien entre l’anorexie et l’orthorexie ? Le poids est-il un facteur discriminant ou non ? Si oui, de quelle manière ? L’aspect statistique prend le dessus pour valider l’outil, mais laisse de côté certaines questions centrales de l’orthorexie.

ORTO-R : L’ORTO-15 révisé pour diagnostiquer l’orthorexie

Auteurs : Rogoza, R., Donini, L.M
Titre original : Introducing ORTO-R: a revision of ORTO-15
Date de publication : Mai 2021
Revue : Eating and Weight disorders
Langue originale : Anglais
Lien & DOI : https://doi.org/10.1007/s40519-020-00924-5

But de l’article

L’article vise à retravailler l’outil diagnostic initial de l’orthorexie, l’ORTO-15. Ce sont d’ailleurs les auteurs ayant construit l’ORTO-15 qui propose une nouvelle analyse de l’outil basée sur les données récentes, ainsi que de nouveaux tests pour estimer sa pertinence.
L’ORTO-15 a été le premier outil à être traduit dans plusieurs langues et de nombreuses études de prévalence ont été réalisées grâce à lui.

Cependant, la valeur et la pertinence de l’outil paraissent faibles et la communauté scientifique a mis en lumière ses faibles qualités psychométriques.

Méthodes

Une analyse statistique factorielle confirmatoire* va être réalisée sur les données qui ont permis la construction de l’ORTO-15. Les auteurs vont ensuite se baser sur les méta analyses des différentes études portant sur l’ORTO-15 pour en retenir des points clefs et construire le nouvel outil. Ils considèrent que les résultats obtenus à partir de l’ORTO-15 sont valides et espèrent une corrélation entre les résultats du nouvel outil construit et résultats des études précédentes.
Les auteurs vont également se baser sur les travaux des principaux auteurs qui ont remis en question l’ORTO-15, permettant de voir si le nouvel outil répond à ces critiques.

* Type de traitement statistique qui vise à tester si ce qui constitue l’outil est pertinent pour évaluer ce qu’il veut évaluer. Exemple dans notre cas : est-ce que les questions posées sont pertinentes pour évaluer l’orthorexie.

Résultats

L’analyse factorielle révèle que plus de la moitié des questions proposées par l’ORTO-15 sont peu pertinentes. Elles seront donc supprimées. Les questions maintenues seront les autres qui se retrouvent d’ailleurs dans les méta analyses.

L’analyse statistique réalisée pour le nouvel outil est donne un résultat acceptable. Certains aspects peuvent cependant être améliorés ou discutés.
Les résultats du nouvel outil sont bien corrélés à l’ancien.

Enfin, le traitement statistique répond également aux objections principales réalisées par Missbach, leur auteur principal.

L’ORTO-R : plus que six items

La version modifiée et améliorée ne contient plus que six items (questions) pour évaluer l’orthorexie :

L’ORTO-R (traduction personnelle) :

  1. Est-ce que vos choix alimentaires restrictifs et rigides sont guidés par une crainte concernant votre santé ?
  2. Êtes-vous d’accord avec le fait que manger sainement augmente votre estime de vous-même?
  3. Croyez-vous que manger strictement des aliments sains peut améliorer votre apparence ?
  4. Lors des trois derniers mois, est-ce que des pensées liées à l’alimentation vous ont fait ressentir de la culpabilité, de la honte ou de l’anxiété ?
  5. Est-ce que penser à l’alimentation vous inquiète excessivement plus de trois heures par jour ?
  6. Est-ce que manger sainement change vos habitudes de vie (fréquence des repas à l’extérieur, des sorties entre amis…) ?

Notre réflexion

Le travail des auteurs est intéressant, puisqu’il vise à retravailler un outil utilisé produisant des résultats discutables. Les auteurs reconnaissent que cela avait un effet défavorable pour les recherches sur l’anorexie. Ils proposent également d’intégrer l’orthorexie dans le DSM, sous une forme dimensionnelle. Ils soulignent également l’intérêt et la nécessité d’une échelle et d’une distinction normal/pathologique. Dans un sens, l’ORTO-R apparaît ainsi comme un outil plus fiable pour évaluer l’orthorexie.

Cependant, il nous semble qu’une fois encore, la recherche se tourne trop vers un travail quantitatif. Le vécu des personnes orthorexiques reste peu travaillé et serait sans doute une aide précieuse pour affiner les outils.
Par ailleurs, malgré toute la rigueur statistique, certains éléments ne peuvent que demeurer arbitraires dans ce test. Pourquoi trois mois ou trois heures aux questions 4 et 5 ? La problématique majeure du poids, comme critère distinctif ou non de l’anorexie est également évacuée. En ce sens, il nous semble qu’une personne souffrant d’anorexie serait diagnostiquée orthorexique.

De notre point de vue, les critères qualitatifs proposés par Bratman & Dunn demeurent les plus pertinents à ce jour.

Psychoéducation pour l’anorexie Mentale

Auteurs : S Thiebaut, F Millaud, P Lemaire, A Ryst, C Girod, M Seneque, K Dupuis-Maurin, N Sahuc, P Courtet, S Guillaume
Titre original : Faisabilité d’un groupe de psychoéducation dans l’anorexie : une étude ouverte
Date de publication : 05 Juillet 2021
Revue : L’Encéphale
Langue originale : Français
Lien & DOI : https://doi.org/10.1016/j.encep.2021.03.007

But de l’article

L’article vise à expérimenter la possibilité et l’intérêt d’une mise en place d’un programme de psychoéducation auprès d’une population souffrant d’anorexie mentale. Les études actuelles sont peu nombreuses sur le sujet, mais certaines suggèrent une amélioration des symptômes.

Expérience et méthode

Des patientes prises en charge pour anorexie mentale ont été sollicitées pour participer à des groupes de psychoéducation, elles bénéficiaient en parallèle d’une prise en charge psychiatrique et nutritionnelle.
Les participantes étaient volontaires, toutes de sexe féminin et ayant un état global leur permettant de suivre le groupe.

Il s’agissait d’un groupe d’1h30 chaque semaine pendant 8 semaines. Deux thérapeutes co-animer le groupe. Le total des participantes s’élevait à 27.

Un évaluateur extérieur réaliser des entretiens avec les participantes avant le groupe, à la fin du groupe et 3 mois après. Il s’agissait d’un entretien libre pour recueillir le ressenti des participantes, mais aussi la passation de test standardisé (EDE-Q, ANSOCQ ou encore le Questionnaire abrégé de Beck).

Le contenu des séances de psychoéducation

Chaque séance commençait par un accueil, une relaxation et un retour sur les tâches qui avaient été demandées de réaliser à domicile à la séance précédente. Puis la présentation du thème de la séance suivi d’un exercice à réaliser chez soi pour une réalisation pratique.

Les auteurs ont utilisés différentes techniques et méthodes tels que :

  • L’ACT
  • Des techniques de TCC
  • Des techniques thérapeutiques globales issues des livres type « self-help »

Les thèmes abordés étaient :
– les symptômes de l’anorexie
– les complications
– les facteurs de risques
– les relations
– l’estime de soi
– le perfectionnisme
– différentes prise en charge existante.

Résultats

Les participantes étaient plutôt assidues tant sur la durée que sur le nombre de participantes à chaque groupe ( 78% des patientes ont assisté à plus de 75% des séances).
Les participantes se sont dites globalement satisfaites de l’intérêt de ce groupe. Elles ont surtout apprécié les connaissances apprises sur la maladie ainsi que le partage avec d’autres patientes, rompant ainsi l’isolement. Elles expriment aussi des améliorations dans leur quotidien (moins de culpabilité, moins de restrictions, moins d’anxiété et moins de rigidité).
Concernant les résultats aux tests standardisés, une amélioration se dégage sur la symptomatologie des troubles alimentaires (EDE-Q); même si la motivation ne semble pas avoir évoluée (ANSOCQ).
Enfin, l’IMC a également augmenté avec une prise moyenne de 2,5 kg à 3 mois après le groupe.

Notre réflexion

Cette étude montre des résultats prometteurs qui seraient intéressants de confirmer par des recherches ultérieures. Par ailleurs, ces éléments vont dans le sens des recherches anglo-saxonnes. Le MANTRA et le SSCM, deux prises en charge construites pour l’anorexie et reconnues à ce jour comme pertinentes, combinent une partie de psychoéducation à la prise en charge thérapeutique.

L’intérêt d’un groupe de cette nature est à notre sens, en dehors des informations transmises et des techniques communiqués, de favoriser le partage entre patients et de renforcer un lien avec les soignants.