Qu’est-ce qui aide ou blesse un patient dans une psychothérapie ?

Auteur : Trish Sherwood
Titre original : Client experience in psychotherapy : what heals and what harms?
Date de publication : Septembre 2001
Revue : Indo-Pacific Journal of Phenomenology
Langue originale : Anglais
Lien & DOI : https://journals.co.za/doi/pdf/10.10520/AJA14457377_81

But de l’article

L’article vise à mieux comprendre l’expérience du patient dans une psychothérapie. Il est vrai que les professionnels se basent surtout sur leurs propres bases théoriques. Quel que soit le référentiel utilisé, il s’agit surtout de s’intéresser à des éléments majoritairement discutés entre professionnels. La plupart des techniques, lorsqu’elles sont expérimentées, testées ou évaluées dans le cadre d’étude, ne laissent que peu la parole aux patients. Il s’agit de professionnels qui observeront si leurs propres critères de départ sont remplis ou non.

Lorsque le patient est consulté, il doit la plupart du temps remplir un questionnaire déjà construit et donc orienté.

L’article vise ainsi à mieux comprendre l’expérience des patients lors de consultations thérapeutiques en leur laissant la parole, en les laissant clairement indiquer ce qui pour eux a été une aide ou à l’inverse un obstacle.

Méthode

L’auteur s’appuie sur la méthode phénoménologique pour comprendre le coeur de l’expérience vécue par les patients. Concrètement, l’auteur va interviewer les participants. Il se base sur un entretien semi-directif : de grandes questions centrales orientent l’entretien mais le participant reste libre de s’en éloigner et de parler de ce qu’il souhaite.

Les patients sélectionnés ne sont plus actuellement en thérapie, ils sont tous âgés de plus de 21 ans (âge de la majorité dans le pays en question, l’Australie) et ont suivi au moins 5 consultations. En outre, il n’y a pas de critères particuliers concernant le référentiel ou la technique utilisée.

Au final, 2 hommes et 6 femmes constituent l’échantillon de l’étude. Les participants rencontrent deux fois l’auteur de l’étude. La première fois, il s’agit d’une première rencontre expliquant comment se passera l’entretien.
La seconde fois concerne l’entretien en tant que tel.

Les grandes questions/thèmes de l’entretien sont les suivants :

  • Raconter votre expérience de la thérapie
  • Est-ce que le thérapeute a influencé cette expérience ? Si oui comment ?
  • Quels sont les aspects qui vous ont été le plus bénéfiques et ceux qui l’ont été le moins ?
  • Y a-t-il n’importe quelle autre chose que vous avez envie de rajouter à propos de cette expérience ?

Résultats

Ce qui aident les patients

1- Les patients attendent que le thérapeute puisse les inviter en toute sécurité à exprimer leurs expériences et ressentis les plus profonds

Le thérapeute fait sentir le patient en confiance, dans une atmosphère calme et soutenante. Le patient se sent totalement écouté et compris par le thérapeute. La présence véritable du thérapeute, le temps qu’il prend, la stabilité qu’il apporte dans son écoute et dans ses rendez-vous. La qualité de l’espace ouvert par le thérapeute est essentielle pour les patients.

2- Ils souhaitent une vraie rencontre avec le thérapeute et que celui-ci soit honnête

Les patients attendent un thérapeute authentique, un humain qui peut lui aussi ressentir de la douleur et de la peine, qui peut ainsi les comprendre. Ils ne souhaitent pas un thérapeute qui joue un rôle ou qui essaie de les influencer. La sincérité est essentielle pour les patients :

Je ne veux pas que le thérapeute soit neutre.. J’attends qu’il ait une éthique, des valeurs. Je ne veux pas qu’il soit vide pendant que je m’assois me parle à moi-même… J’attends qu’il soit complètement vivant et attentif et impliqué, utilisant ses compétences, son génie, sa personnalité et sa créativité.

Citation d’un des participants de l’étude

3- Les patients ont besoin que le thérapeute se concentre sur leurs préoccupations

Le thérapeute doit laisser son propre bagage personnel en dehors de l’espace de consultation. Les patients veulent sentir que tout l’espace de consultation leur est complètement dédié.

4- La relation thérapeutique doit être au service de leur développement personnel

Les patients souhaitent que les bénéfices qui émergent dans la relation thérapeutique durent au-delà de la fin du suivi. La part cathartique de la prise en charge est ici soulignée.

Ce qui les blesse ou constitue un obstacle

1- Lorsque le patient a la sensation que le thérapeute l’abandonne seul face à ses expériences douloureuses

Lorsque le thérapeute se limite uniquement à sa technique, de manière déshumanisée. Les patients se sentent meurtris et abandonnés lorsque le thérapeute ne réagit pas ou peu quand ils évoquent leur douleur.

Il était froid et il essayait de répondre à mon problème avec des idées préconçues sur qui je suis et ce que je pensais mais en réalité il n’avait aucune idée sur qui j’étais et ce qu’il se passait pour moi

Citation d’une participante de l’étude

2- Lorsque le thérapeute semble être inauthentique

3- Quand le thérapeute impose sa propre personnalité/histoire aux patients

Il est question ici des projections de la part du thérapeute, du fait que sa propre histoire ou que son propre égo prennent le dessus.

4- L’expérience d’un thérapeute qui semble diminuer leur confiance en eux et qui déprécie leurs mécanismes de défense

Les patients font ressortir une attitude de jugement qui les empêche de parler, de s’investir dans la thérapie. Ces jugements leur crée également de la culpabilité dans leur vie quotidienne, ayant la sensation de toujours mal faire.

Notre réflexion

Cette étude met en lumière et rejoint les quelques autres études sur l’expérience des patients ainsi que les conclusions sur l’efficacité des psychothérapies. Nous pouvons bien constater que la relation thérapeutique est centrale. Bien que les questions de l’entretien soient orientées sur le thérapeute, nous voyons bien que la technique est secondaire. Face au mythe du thérapeute « neutre », cette étude souligne l’importance du caractère empathique et de l’affirmation de sa personnalité. Cependant, il s’agit de ne pas tomber non plus dans « trop de personnalité », puisque nous voyons que le risque est de parler trop de soi, que le thérapeute prenne la place qui est normalement dévolue au patient.