Et comment cette vision entretien le trouble
Une large étude de 2015 publié dans le très bon Journal of Eating Disorders s’est intéressé à la vision du trouble alimentaire de la part des proches qui n’en ont jamais souffert.
Une large étude de 2015, publiée dans le Journal of Eating Disorders, s’est intéressée à la perception des troubles alimentaires par les proches qui 
Elle met également en lumière l’écart entre cette vision extérieure et celle vécue par les personnes concernées.
Cette différence de représentation a une conséquence majeure : elle peut entretenir le trouble.
La perception du trouble alimentaire par les proches
Médias
Ceux qui n’ont pas vécu un trouble alimentaire considèrent que les médias sont une cause majeure voire principale des troubles. Si la recherche reconnaît que les médias et les réseaux sociaux ont une influence, il s’agit plutôt d’un facteur favorisant, non d’une cause directe.
À l’inverse, les personnes souffrant d’un trouble alimentaire, eux, ne considèrent pas les médias comme responsables de l’apparition de leur trouble.
Aspect culturel
Les proches accordent également beaucoup d’importance à l’aspect culturel et aux injonctions sociétales. 
Ils imaginent souvent que la personne malade cherche à ressembler à une image idéalisée, promue par la mode ou la culture populaire par exemple. Cette représentation est souvent négative, associé à un jugement de naïveté voire même d’une sorte d’entêtement de la personne qui souffre, qui s’enfoncerait volontairement dans une illusion. 
Or, du côté des patients, nombreux sont ceux à subir cette idée de perte de poids. Elle est loin d’être un choix qui vise à ressembler à un mannequin, mais une force qui pousse le patient à maigrir. 
Manque de contrôle et de volonté
C’est une des perspectives majeures de ceux qui ne souffrent pas d’un trouble alimentaire : penser qu’il s’agit d’un manque de contrôle ou d’un manque de volonté.
C’est malheureusement tout l’inverse, vécu tant par les patients que bien détaillée par la littérature scientifique : le contrôle est au coeur d’un trouble alimentaire. 
Il s’agit également d’une vision générale des psychopathologie, elles ne seront pas des pathologiques qui s’imposent à celui qui en souffre, mais qu’elles sont des manques de volonté. Une psychopathologie demeure une pathologie, ce n’est pas un choix ni une question de volonté, ce sont des mécanismes qui font souffrir qui sont à comprendre pour être traités. 
Difficultés émotionnelles et psychologiques
C’est la dimension la plus partagée entre proches et patients : tous reconnaissent le rôle du stress, de la dépression et du manque de confiance en soi.
Mais l’étude souligne une nuance essentielle :
Les proches, eux, utilisent souvent un langage stigmatisant (« faiblesses psychiques », « trouble mental »), véhiculant une image négative et réductrice du trouble.
Les personnes concernées évoquent ces aspects à travers leur vécu personnel, leurs émotions et leur histoire.
Ce qui compte pour ceux qui vivent le trouble
Ceux qui vivent le trouble mettent en avant leur difficulté personnelle liée  à leur histoire, leurs émotions et notamment des éléments dépressifs. Ils mettent également en avant leur anxiété particulièrement dans la relation aux autres, la crainte de ne pas être apprécié ou de ne pas avoir de valeur à leurs yeux. 
L’aspect relationnel et notamment le facteur familial est souvent considéré comme central dans la compréhension de leur trouble, ce qui n’est que très rarement cité par les proches.
Une incompréhension qui entretien le trouble et des éléments majeurs qui sont peu compris
Par cet écart, le trouble peut malheureusement s’entretenir. Les personnes souffrant du trouble alimentaire ne se sentent pas comprises, ce qui créent des difficultés familiales ou relationnelles, ces dernières étant au coeur du problème pour celui qui souffre. 
D’autre part, les proches et la famille sont fréquemment considérés comme des leviers importants de soutien voire même de guérison. Cet écart et cette incompréhension fragilise ce levier.
Enfin, tant pour les proches que pour ceux qui souffrent de troubles alimentaires, certains éléments clefs ne sont pas mis en avant alors qu’ils sont bien détaillés par les travaux scientifiques.
On peut par exemple citer l’aspect génétique et biologique qui a une place réelle dans ce type de pathologie, mais aussi les facteurs traumatiques et notamment sexuels, qui sont malheureusement assez fréquents dans les troubles alimentaires.
L’étude souligne et nous rejoignons cette perspective : il y a un intérêt majeur à parler des troubles alimentaires pour déconstruire certaines représentations. Réduire cet écart pour favoriser la compréhension entre celui qui vit le trouble et ses proches constitue une trajectoire thérapeutique importante à favoriser.
